Une messe chrismale au Cénacle

La messe chrismale 2020 célébrée le 22 mai restera dans les annales comme une année particulière, bousculée par la crise sanitaire. En effet, ce n’est pas au cœur de la Semaine sainte qu’elle fut célébrée, mais au lendemain de l’Ascension, en comité restreint à la chapelle Sainte-Glossinde.

Etaient présents Mgr Jean-Pierre Vuillemin et les deux vicaires généraux, le chanoine Munier, doyen du Chapitre cathédral, l’abbé Olivier Riboulot, vice-président du Conseil presbytéral et membre du Collège des consulteurs et l’abbé Didier Schweitzer, chancelier et prêtre jubilaire.

Même avec quelques prêtres, représentant le presbyterium tout entier, cette messe fut l’occasion de signifier l’unité autour de l’évêque, pasteur de l’Eglise particulière qui est en Moselle et cette communion d’engagement au service de la mission. Dès son mot d’accueil, Monseigneur Lagleize a voulu rappeler que chaque prêtre, même à distance dans son presbytère, pouvait s’unir dans l’un des moments forts de cette célébration, celle de la rénovation des promesses de son ordination presbytérale. Les fidèles laïcs étaient eux aussi invités à s’associer à la prière de toute l’Eglise en ce jour solennel.

Au cours de la messe chrismale, il est aussi de tradition de faire honneur aux prêtres jubilaires ordonnés en 1960, en 1970 et en 1995. En grande communion de pensée et d’action de grâce, Ils ont été cités au début de la célébration. On trouvera ci-dessous les trois témoignages d’action de grâce des délégués jubilaires.

L’autre geste spécifique de cette messe fut la bénédiction des huiles pour les malades et les catéchumènes, ainsi que la consécration du Saint-Chrême. Ces huiles serviront durant toutes l’année pour les différents sacrements à vivre partout dans le diocèse. L’huile est à la fois un symbole de joie, mais aussi ce qui permet à un mécanisme de bien fonctionner. Elle imprègne aussi le corps humain pour le fortifier. C’est dans cette dynamique de joie que Monseigneur Lagleize a voulu se situer, en pensant à tous ceux qui seront bénéficiaires de ces futurs sacrements. Il en notamment parlé au cours de son homélie, soulignant sa proximité avec les catéchumènes, les deux diacres appelés à l’ordination presbytérale fin septembre, les futurs baptisés, futurs confirmés et futurs mariés, sans oublier les personnes malades.

C’est dans ce climat qui s’apparente à la situation des disciples au Cénacle que s’est vécu cette messe chrismale particulière. Dans l’attente de l’Esprit saint et de la réouverture du culte public.

Homélie de Mgr Lagleize pour la messe chrismale 2020

Tous nos plans, nos habitudes, peut-être notre routine, sont bousculés, chamboulés par cette pandémie. Nos rites liés à l’année liturgique sont remis en cause. Semaine Sainte confinée, sans possibilités de s’assembler, la messe chrismale déplacée durant le Temps pascal, les confirmations, les premières communions, les baptêmes, les mariages décalés, les ordinations déplacées le 27 septembre.

Ces bouleversements sont positifs. En effet, ils nous obligent à retrouver l’essentiel, à creuser notre faim et notre soif d’être unis à la Trinité Sainte.    Ces bouleversements sont positifs, puisqu’ils permettent d’éprouver notre foi, notre fidélité au Christ, à la Parole de Dieu, aux sacrements, au service de nos frères et sœurs. Le propre de l’homme est de s’habituer, les crises viennent déstabiliser ces habitudes et ouvrent un avenir sur des fondements régénérés.

La messe chrismale nous permet de retrouver les fondements de la vie sacramentelle. Ces huiles sont là pour nous unir à la vie divine. Elles sont le signe de la tendresse, de la miséricorde, du soutien de Dieu notre Père qui, à la prière de son Fils, nous offre l’Esprit Saint. L’Esprit Saint qui nous fait crier « Abba Père ». Oui, ces huiles nous rappellent que nous sommes d’abord les témoins en ce monde de la tendresse de Dieu pour toute la création.

Le Concile Vatican II l’exprime avec force dans le Décret sur l’Apostolat des laïcs : « À tous les chrétiens donc incombe la très belle tâche de travailler sans cesse pour faire connaître et accepter le message divin du salut par tous les hommes sur toute la terre. Pour l’exercice de cet apostolat, le Saint Esprit qui sanctifie le peuple de Dieu par les sacrements et le ministère accorde en outre aux fidèles des dons particuliers (cf. 1 Co 12, 7), les ‘répartissant à chacun comme il l’entend’ (cf. 1 Co 12, 11) pour que tous et ‘chacun selon la grâce reçue se mettant au service des autres’ soient eux-mêmes ‘comme de bons intendants de la grâce multiforme de Dieu’ (1 P 4, 10), en vue de l’édification du Corps tout entier dans la charité (cf. Ep 4, 16) ».

Il est légitime d’avoir faim et soif de l’eucharistie, mais avons-nous autant faim et soif de vivre notre vocation baptismale, d’implorer la présence de l’Esprit Saint que nous avons reçu à notre confirmation ? Avons-nous autant faim et soif de servir nos frères et sœurs ? Avons-nous faim et soif de vivre les engagements pris lors de notre ordination, nos mains ont été ointes avec le Saint Chrême pour donner au nom du Christ la vie, pour rendre présent en ce monde la présence du Christ, pour prendre soin du saint Peuple de Dieu ? Avons-nous faim et soif des sacrements qui manifestent la tendresse de Dieu, en particulier le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, le sacrement des malades ?

En cette messe chrismale, je désire que nous soyons proches :

–      des catéchumènes qui ont faim et soif de célébrer les sacrements de l’Initiation chrétienne,

–      de Raphaël-Guillaume Chaigne et Sébastien Wenk qui attendent dans la foi et la patience leur ordination presbytérale prévue le 27 septembre,

–      des nombreux confirmands,

–      des parents qui présentent leur enfant pour le baptême,

–      de celles et ceux qui vont communier pour la première fois.

–      de celles et ceux qui attendent le moment favorable pour célébrer leur mariage.

La messe chrismale durant laquelle est bénie l’huile des malades nous remet face à la souffrance, à la solitude, à la peur que de nombreuses personnes connaissent. Ce Covid-19 nous a contraint à remettre la fragilité, la dépendance, la compétence et le courage des soignants au cœur de nos vies et de notre société.

Célébrer la messe chrismale entre l’Ascension et la fête de la Pentecôte nous offre la grâce d’être au Cénacle comme les disciples avec la Vierge Marie, temps de grâce pour accueillir l’Esprit-Saint, lui qui nous fortifie et nous envoie hors de nos murs, de nos habitudes, tout comme ces huiles vont partir pour rejoindre toutes les paroisses de notre diocèse.

Amen.

 

Témoignages des prêtres jubilaires

Richard WENNER (60 ans de sacerdoce) :

« Le 3 juillet 1960, avec onze confrères, j’étais allongé au chœur de notre cathédrale, disposé à répondre « oui » à un appel intérieur perçu dès l’enfance, mûri à travers des mouvements de jeunesse, éprouvé par un service militaire prolongé, appel finalement accueilli et confirmé par l’Église. Comme mes confrères, j’ai donc donné ma foi au Christ, pour le service de mes frères et sœurs en humanité.

Arrivé en paroisse, au pays du fer, j’étais heureux de retrouver la simplicité des contacts avec le tout-venant. L’Action catholique, en vogue, stimulait une vie d’Église attentive à la vie des gens, aux joies et aux difficultés de l’existence.

Aussi étions nous heureux d’entendre le concile Vatican II inviter à renverser la pyramide traditionnelle de l’Église, à comprendre l’Église d’abord comme « Peuple de Dieu », à rejoindre dans sa vie et dans sa foi, nous mettant fraternellement à son écoute et à son service comme disciples ordonnés de Jésus Christ.

Certes, c’est vite dit ainsi… et appelle encore à conversion ! Toujours est-il que je suis heureux et rends grâce d’avoir pu vivre en messager de Jésus Christ au service de tous, dans trois implantations successives, et je ne regrette en rien d’avoir suivi l’appel.

Malgré les épreuves actuelles de l’Église, dans une société qui cherche aussi sa voie, j’estime que la Croix du Christ donnant sa vie par amour (« Faites ceci en mémoire de moi ! »), restera une lumière toujours disponible, offerte à notre liberté, active dans bien des cœurs, chemin d’espérance ! »

 

Joseph KOZLOWSKI (50 ans de sacerdoce) :

« Le saint Curé d’Ars disait : « Oh ! Que le prêtre est quelque chose de grand. S’il le comprenait, il mourrait. » Je suis donc bien loin d’avoir tout compris, puisque je suis encore en vie pour pouvoir louer le Seigneur et lui rendre grâce pour tout le bien qu’Il m’a fait. Peut-être que le Seigneur m’accordera encore quelques années pour mieux découvrir la beauté du sacerdoce et permettre à d’autres de le connaître et de l’aimer.

Après cinquante ans de sacerdoce, je veux dire merci pour toutes ces grâces à Dieu, qui est la source de vie et d’amour. Je lui rends toute gloire et, en même temps, je lui demande pardon pour mes nombreuses fautes qui ont empêché son Royaume de s’étendre. Mais j’ai compris que Dieu écrit droit sur des lignes parfois courbes et cabossées.

Je rends grâce au Seigneur, notre Dieu, pour le don de son Esprit sacerdotal, Esprit de Jésus. Ce don m’a accompagné tout au long de mon ministère. Dieu agit toujours.  Qu’il soit béni à jamais.

Mon action de grâce pour le passé devient ma prière pour l’avenir. Que Dieu me rappelle toujours d’être le sel de la terre et la lumière du monde car, en tant que prêtre, je suis officiellement chargé d’annoncer l’Évangile du Christ, cette Bonne Nouvelle qui seule peut sauver l’homme, l’humanité et le monde.

J’ai été ordonné prêtre en 1970, en Pologne. Je suis donc un « prêtre de Vatican II » et fier de l’être. Je suis un prêtre heureux ! Non seulement aujourd’hui, mais depuis cinquante ans. Je suis heureux d’aimer et de servir le Christ « qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Gal 2,20).

Je suis heureux de servir actuellement l’Église diocésain de Metz, après différentes missions en Pologne, en France et, comme aumônier militaire, dans le monde. L’Église de France, le diocèse de Metz, sont devenus « mon chez-moi ». Merci aux évêques et aux prêtres qui m’ont toujours accordé leur confiance. Je suis heureux et reconnaissant d’avoir été inspiré par mes parents et mes amis prêtres qui m’ont appris à aimer et à servir Dieu, l’Église et mon prochain. Je suis heureux d’être encore en assez bonne santé pour continuer à rendre service, aujourd’hui et dans l’avenir, mais différemment, à la mesure de mes forces.

J’ai conscience d’avoir beaucoup reçu. Je me souviens de la réponse de saint Vincent de Paul. À la question de la reine Anne d’Autriche « Mais monsieur Vincent, qu’auriez-vous voulu faire que vous n’avez pas fait ? », il a répondu par ce simple mot : « Davantage. » J’ai confiance que l’amour et la bonté de Dieu me pousseront à aller de l’avant, aussi longtemps que le Seigneur le voudra. Comme il y a cinquante ans, je redis aujourd’hui : « Me voici Seigneur, je veux faire ta volonté. » »

 

Gérard KAISER (25 ans de sacerdoce) :

« Dès mon enfance, j’ai ressenti le désir de servir le Christ en son Église – une, sainte, catholique et apostolique. Après vingt-cinq ans de ministère, ma joie est toujours aussi grande. Mais j’ai bien conscience de mes manques… Je n’ai sans doute pas toujours été à la hauteur des attentes de mon Seigneur, mais je me suis efforcé de faire de mon mieux… Je me suis attaché à rester fidèle à son Église, sans me laisser ballotter par les concepts prétendument à la mode. Sans essayer de plaire non plus. Car il est vrai qu’il est difficile dans notre société – et parfois même dans notre Église – de ne pas se laisser entraîner par l’opinion dominante, par les tendances du moment… J’ose dire les modes.

Depuis mon enfance, j’ai pu être témoin de ces divers courants pastoraux qui parfois, prétendent être le seul moyen de sauver l’Église. Mais seul le Christ sauve ! Ces divers courants plus ou moins éphémères passent, mais seule la paroisse – aujourd’hui nous dirions la communauté de paroisses – dure dans le temps et demeure le lieu par excellence de l’annonce de la Bonne Nouvelle.

Pour ma part, j’ai décidé de rendre grâce pour les nombreuses occasions qui illuminent mon ministère : les nombreux servants d’autel, enfants et jeunes qui se préparent à un sacrement. Les adultes qui demandent le baptême ou la confirmation. Mes nombreux collaborateurs qui souhaitent avec moi travailler au sein des communautés de paroisses, afin de faire grandir l’Église. Mes frères prêtres, avec qui je travaille dans la vigne du Seigneur.

Chaque jour, je m’émerveille devant ces hommes, femmes, jeunes et enfants qui accueillent l’appel du Seigneur à l’aimer et à aimer ceux et celles qu’ils rencontrent. Je sais que nous pouvons être tentés – et je le suis parfois – de comparer l’Église d’hier à celle d’aujourd’hui ou d’avoir l’impression quelquefois d’être réduit à un prestataire de services. Mais aujourd’hui comme hier, l’Esprit Saint souffle où il veut.  À nous d’y être attentifs, de lire les signes de son action en notre temps. D’être des hommes d’espérance. Il me semble important de savoir accueillir chaque personne qui veut s’approcher du Seigneur, de l’accompagner et de laisser chacun avancer à son rythme. Il est vrai que les chrétiens d’aujourd’hui ont parfois du mal à formuler leur demande car leurs connaissances religieuses sont trop fragiles et leur vie spirituelle est naissante, mais c’est à nous de les rejoindre là où ils sont. Dieu nous les envoie non pas pour juger leur degré de foi, ni les enfermer dans nos structures, mais pour les aider à mieux Le connaître, à mieux L’aimer.

J’ai conscience que nous aurons à faire face ensemble à certains changements d’organisation qui vont bousculer nos habitudes dans notre Église diocésaine. Mais si nous laissons l’Esprit de Dieu travailler en nos vies, nous saurons les accueillir dans la fidélité de la foi de l’Église.

Prions plus que jamais pour les vocations, mais pour cela il me semble urgent que nos communautés chrétiennes soient convaincues de l’importance des prêtres pour mieux les soutenir. Seules des communautés où l’amour du prochain sera présent pourront être appelantes. Soyons ensemble – évêques, prêtres et laïcs – l’Église d’aujourd’hui qui témoigne avec joie de la certitude de la présence de notre Seigneur en son sein et de l’action de l’Esprit Saint. »

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