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Mardi 17 mai

Commentaire de l’évangile du jour: « Je vous donne ma paix » (Jn 14, 27-31a)

Il est assez intéressant de tenir ensemble la 1ère lecture et l’évangile du jour. Jésus disait à ses disciples « je vous laisse la paix » ! Paroles pour le moins énigmatiques au regard de toute la lecture du livre des Actes des Apôtres que nous offre le Temps pascal depuis le jour de la résurrection du Christ et de cet épisode particulier où Paul est laissé pour mort. Les disciples comme les apôtres ne cessent d’être confrontés à l’adversité, à la violence aussi bien des Romains que des Juifs, aux persécutions.

Alors de quelle paix s’agit-il ? D’un repos ? Nous assistons depuis la résurrection à un déferlement de témoignages, de signes, de guérisons de la part du Christ puis des disciples et des apôtres. Ils n’arrêtent pas… Regardons Paul qui en quelques versets, laissé pour mort aux portes de Lystres, lapidé par ses frères, se relève « entouré de ses frères » pour revenir dans cette même ville et repartir le lendemain pour Derbé. Puis il revient à Lystres pour annoncer à nouveau la Parole. Le danger est permanent. Il part ensuite pour Iconium et Antioche de Pisidie, traverse la Pisidie pour se rendre en Pamphylie et descendre au Port d’Attalia afin de s’embarquer pour Antioche en Syrie. Alors prenez la carte de votre NT pour vous rendre compte des déplacements de Paul, et tout cela à pied ! Vous en conviendrez que Paul n’arrête pas, que tous les Apôtres depuis le début sont dans une activité apostolique intense qui ne laisse percevoir aucun repos.

Et Jésus de dire à ses disciples : « Je vous laisse la paix et je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne ». Mais comment devons-nous entendre ces paroles ? Pour nous qui sommes facilement embourbés dans un matérialisme exacerbé et un peu obsédés par une recherche de sécurités matérielles nous garantissant une certaine « paix », pour nous qui pensons davantage à notre retraite dans 10, 20, 30 ans plutôt qu’à vivre l’instant présent dans une absolue confiance au Christ, il y a de quoi faire le grand écart et souffrir de quelques élongations !

Et Jésus prévient ses disciples « Je m’en vais (…) il vient le prince de ce monde ». Jésus annonce la façon dont il va donner sa paix : en donnant sa vie, non à la manière des sacrifices de la Loi juive, œuvres humaines inefficaces et vaines, mais par amour et librement « il faut que le monde sache que j’aime le Père ». Le Christ prononce ce « oui filial » à son Père « je fais comme le Père me l’a commandé ». Cette obéissance filiale du Christ est comme l’expression concrète d’un amour qui va jusqu’au bout de lui-même et indique que la seule adoration véritable désormais qui intéresse Dieu est le « oui » inconditionnel de l’homme à Dieu, le oui d’aimer, l’adhésion libre de l’amour.

Nous prononçons dans le Credo « le Christ est mort pour nous » ? Mais quel sens accordons-nous à ce « mort pour nous » ? Dans la mesure où nous avons souvent, en arrière-pensée, une représentation faussée d’un Dieu Tout-Puissant qui aurait cette capacité d’intervenir dans nos vies et dans le monde comme il l’entend c’est-à-dire sans notre consentement, nous véhiculons aussi cette idée à mon avis erronée que Dieu aurait livré son Fils pour le rachat de nos péchés rétablissant ainsi sa justice lésée par le péché des hommes. Or Jésus révèle la Toute-puissance de Dieu en tout autres termes : humilité, amour, don de soi, pardon, re-création, don parfait qui se donne librement. Jésus montre Dieu cloué sur la croix – une révolution pour la foi de l’homme juif de l’époque mais aussi pour nous immergé dans une société sécularisée où tout converge vers l’individualisme et l’exacerbation du « je », où Dieu n’est qu’une bouée de secours !

Là, à Pâques, Dieu montre le chemin de Vie : Jésus Christ. Il sort de soi ou meurt à soi (c’est la même chose dit autrement) pour nous faire vivre, c’est cela aimer tel que Dieu aime, c’est mourir à soi, c’est renoncer à exister pour soi et par soi. La paix est à ce prix, la paix intérieure, celle qui s’enracine en Celui qui en nous est plus grand que nous. Regardez les apôtres comme ils sont dans le don de leur vie absolument, sans réserve, sans retenue et sereins, toutes leurs paroles, tous leurs actes prennent racines non en eux-mêmes mais en Dieu qui, par l’Esprit du Seigneur Jésus, est au plus profond de leur être et « travaille avec eux » (Marc 16,20). Plus rien d’eux n’existe ou presque, leur ego demeure bien entendu car ce sont des hommes et des femmes, leur personnalité donne une couleur particulière à leur témoignage, leur charisme laisse une emprunte singulière à leur vie apostolique, mais tout est en Christ, pour la Gloire de Dieu et le salut du monde. Ils n’existent plus pour eux-mêmes ni par eux-mêmes.

La paix est ainsi celle d’aimer absolument, de vivre une fidélité à soi et au Christ sans division intérieure, sans tension, dans une union intérieure absolue. Faire sa volonté propre n’a en somme plus de sens non qu’elle soit absorbée et annihilée par la volonté de Dieu (qui s’imposerait comme extérieur) ou qu’elle n’existe plus devant Dieu mais plutôt telle une communion de volontés où la volonté personnelle s’accomplit pleinement dans l’acte libre d’aimer qui est à la fois renoncement total à soi et volonté d’œuvrer pour que l’autre soit vraiment, absolument jusqu’à accepter de perdre sa vie. C’est un peu comme une communion d’amour entre leur volonté et celle du Seigneur, aimantée par la force de l’Esprit. Plus rien d’eux n’existe en dehors de cette force divine intérieure. Etienne avait « le visage comme celui d’un ange » à l’instant même de sa lapidation (Ac 6, 15).

Les appelés sont nombreux mais le chemin est étroit, en mesurons-nous la grandeur et la force de conversion à laquelle nous sommes appelés ? Il nous faut nous perdre en Dieu, en Christ, accepter ne plus rien savoir, ne plus rien connaître, de ne plus chercher à posséder, à faire, pour vivre, écouter, penser, parler, écrire, aimer selon l’Esprit et alors nous vivrons dans et de la paix du Christ. Combien de morts à nous-mêmes nous faut-il vivre ? Un certain nombre sans aucun doute, mais peu importe, le tout est d’en avoir conscience et d’accepter de vivre toutes celles qui se présentent à nous et sont comme autant d’éveils de notre conscience aux réalités divines de notre existence. Les fenêtres sont à nos maisons ce que la conscience est à notre âme, autant d’ouvertures sur le divin en nous dont les mystères se dévoilent au fur-et-à-mesure de cette progression intérieure et ce détachement de soi. La paix est fruit de l’Esprit nous dit Paul, fruit de ce trésor qu’est le don parfait de soi et qui trouve son expression la plus significative dans l’adversité et son point culminant dans l’amour des ennemis !

Myriam DUWIG

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