Visite en Moselle d’Angeline Freire, partenaire du CCFD

angeline-freire2Du 26 au 29 mars, Angeline Freire de l’association Banco Palmas était présente en Moselle. Le 29 mars, cette partenaire brésilienne du CCFD-Terre Solidaire a été accueillie à la Maison diocésaine. Pour l’émission News et Foi diffusée sur Radio Jerico, elle a répondu aux questions de Paul Keil.

Angeline, quelles sont vos missions au sein de Banco Palmas, la banque communautaire créée en 1998 à l’initiative d’un groupe d’habitants de Conjunto Palmeiras, un quartier pauvre de la ville de Fortaleza ?
Je travaille en ce moment sur un projet à destination de certaines femmes de ce quartier, afin de les inviter à se réveiller et à se sortir d’une vie sédentaire qui se résume à rester au foyer et à s’occuper des enfants et de la maison. Ces femmes n’imaginent pas qu’elles peuvent faire autre chose. Il faut leur faire accepter l’idée de ne plus vivre dans une situation de violence domestique, sachant qu’au Brésil le machisme est très répandu, tout comme les violences familiales.

Pouvez-vous nous décrire le quartier de Palmeiras, situé à la périphérie d’une capitale régionale de plus de deux millions d’habitants…
C’est un quartier considéré comme pauvre. L’indice de développement humain (IDH) de ce quartier a relevé que nous étions à un niveau très bas. Mais la communauté, composée de 42 000 habitants, est bien organisée. Nous luttons pour nos droits parce que nous souffrons et car le gouvernement ne s’intéresse pas à nos problèmes. Nous n’avons pas le choix, nous devons continuer à nous battre pour avoir des conditions de vie meilleures.

Banco Palmas est la première banque communautaire fondée au Brésil. Une banque communautaire, qu’est-ce que c’est ?
Une banque communautaire, c’est une banque créée par la communauté elle-même. Elle est gérée, contrôlée et organisée par les habitants, en fonction des nécessités et des besoins de la population. Les services proposés se veulent utiles à la communauté. La qualité principale de cette banque est l’écoute, puisqu’elle cherche à identifiant les besoins et à rester au plus près des gens ; elle essaie ensuite de répondre à ces besoins (politiques, économiques, sociaux, en terme d’emploi…) en proposant des services adaptés.

Quels sont les services que votre banque offre à ses clients ?
Nous proposons les mêmes services qu’une banque traditionnelle mais nous y ajoutons d’autres activités : des formations à l’utilisation des prêts, des ateliers de formation financière, des marchés et foires solidaires, une épicerie solidaire, des activités thématiques comme la couture par exemple, une marque de vêtement (Palma fashion), des aides pour des groupes d’artisans, un laboratoire de recherche animé par les jeunes du quartier… Un correspondant bancaire est également proposé pour aider les habitants à régler leurs factures.

Pourquoi avoir mis en place une monnaie locale, le palma, en parallèle à la monnaie nationale du Brésil, le réal ?
Dès le lancement de Banco Palmas, nous avons prêté de l’argent aux habitants du quartier pour les aider à créer leur activité professionnelle (des prêts sans intérêts alors que les intérêts au Brésil sont énormes). Très vite, nous nous sommes rendus compte qu’il fallait également amener les habitants à dépenser leur argent dans le quartier afin de développer l’activité économique. La seule manière de le faire était de créer une monnaie locale.
Il s’agit d’une monnaie sociale qui ne rentre pas en concurrence avec le réal. Elle fonctionne comme un bon d’échange social : c’est un échange qui a une certaine valeur, qui correspond au produit qui est vendu, transformé et acheté dans le quartier. En utilisant cette monnaie sociale, les richesses créées restent dans le quartier. Pour les habitants, il est possible d’échanger un réal avec un palma (un réal équivaut à un palma). Par contre, le change de palma en réal est réservé aux commerçants du quartier. Aujourd’hui, et après de longues procédures, le palma est reconnu par la Banque centrale brésilienne, nous avons même des partenariats avec elle.

Quel soutien le CCFD vous a-t-il apporté à vos débuts ?
Je suis arrivé au Banco Palmas en 2011 et le CCFD soutenait déjà le projet. Il a contribué dès les années 90 au lancement du Banco Palmas.

Qu’est-ce que Banco Palmas a apporté aux habitants de Conjunto Palmeiras durant ces vingt dernières années ?
Le projet a permis de développer le commerce local en créant des emplois et en générant des revenus dans la communauté. Les habitants ont ainsi réussi à défendre certains de leurs droits. Ils sont résolus à en défendre d’autres : l’accès à l’éducation par la création d’écoles, l’accès à la santé en réclamant des constructions d’infrastructures de santé, l’accès au transport en demandant des plus nombreux et plus rapides… L’amélioration du commerce local a progressé et a évolué en même temps que la population du quartier qui s’est organisée par elle-même en cherchant à accroître les revenus à l’intérieur de la communauté.

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Votre projet de banque communautaire a-t-il inspiré d’autres régions au Brésil ?
Oui incontestablement puisque aujourd’hui, il y a 113 banques communautaires au Brésil.
Ensemble, nous avons mis en place un réseau (de banques communautaires) qui soutient dans tout le Brésil les personnes souhaitant créer une banque communautaire dans leur quartier.

Quel est le message principal que vous souhaitez transmettre aux Mosellans à l’occasion de votre voyage à l’invitation du CCFD Terre-Solidaire ?
Je veux rappeler l’importance des entités internationales comme le CCFD qui appuient des projets intéressants comme Banco Palmas. J’aimerais que les Français puissent s’associer au CCFD pour continuer à soutenir des projets semblables. Nous allons fêter nos 19 ans mais nous avons encore besoin d’être reconnu et soutenu. Nous avons toujours l’impression d’être à contre-courant de notre gouvernement brésilien. C’est pourquoi le soutien du CCFD est essentiel.
Enfin, je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont si chaleureux accueillie lors de mon passage en Moselle, tout particulièrement les bénévoles du CCFD. J’espère que ma venue a pu contribuer à sensibiliser d’autres personnes dans le soutien de Banco Palmas mais aussi dans le soutien du CCFD et de toutes ses actions.

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