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LE FAIT DU PRINCE

Extraits d’un article paru dans la revue diocésaine « Église de METZ » en janvier 2022

Maintenu pour les sièges épiscopaux de Metz et de Strasbourg, le droit de nomination du président de la République française constitue, à n’en pas douter, un particularisme tant pour la France que pour l’Eglise catholique. Fort longtemps, les chefs d’État du monde entier se sont attachés à faire de la nomination aux sièges épiscopaux une de leurs prérogatives. Ce fut le cas pour la France : le concordat de Bologne signé entre François 1er et le pape Léon X le 18 août 1516, conférait déjà ce droit au monarque. Il en fut ainsi jusqu’à la « Grande Révolution ». On notera à ce propos que le seul évêché auquel le roi de France ne put jamais nommer jusqu’en 1789, malgré ses instantes prières au Saint-Siège, fut celui de Strasbourg pour lequel le Grand Chapitre de la cathédrale continuait à élire l’évêque. Un curieux détour de l’histoire…

Le concordat de Bologne fut abrogé par la constitution civile du clergé 12 juillet 1790. Le 15 juillet 1801, Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII signèrent un nouveau concordat, promulgué le 8 avril 1802. Aux termes de ce texte, le premier consul recouvrait le droit de nommer aux évêchés en France. Ce droit fut reconnu au chef de l’État jusqu’à la loi de séparation du 9 décembre 1905, et maintenu pour les départements de Alsace et Moselle après la première annexion par l’Allemagne et la loi rétablissant la légalité républicaine du 1er juin 1924.

Le cas particulier de l’Alsace et de la Moselle, reste aujourd’hui une prérogative du président de la République française, prérogative qu’il partageait avec d’autres chefs d’État jusqu’au milieu des années 1980. En effet, en 1965, en plein concile, les Pères conciliaires ont demandé pour l’Église catholique une totale liberté dans la nomination des évêques. Un à un les États, où ce droit continuait d’exister, y ont donc renoncé. Aujourd’hui, le président de la République française et laïque se trouve donc être le dernier chef d’état du monde disposant encore du droit de nommer aux deux évêchés de Metz et Strasbourg et à ne pas y avoir renoncé. Faut-il y voir dans ce droit une ultime manifestation du « fait du prince ? » Non bien évidemment, notamment parce que l’essentiel du processus de nomination appartient à l’Église. L’état n’exerce plus qu’un contrôle qui diffère sans doute peu de la procédure valable aujourd’hui pour le reste des diocèses français en vertu du modus vivendi appliqué aux relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège depuis leur rétablissement en 1921. Un processus complexe : en cas de vacance des évêchés de Metz et de Strasbourg, le Nonce apostolique en France (ambassadeur du Saint-Siège auprès de la République française) commence par consulter l’épiscopat français. De cette consultation, il retient une liste de trois noms de prêtres ou d’évêques pressentis (la Terna), qu’il transmet à la Congrégation vaticane des évêques, équivalent d’un ministère dans un gouvernement, comme pour chacun des diocèses français. Celle-ci propose un nom au pape, qui prend sa décision. Le nonce informe le prêtre ou l’évêque retenu et demande son accord. S’il accepte, le nonce informe la Présidence de la République via le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Intérieur, ce dernier procédant alors à une enquête de personnalité. Si l’agrément est donné, le Président de la République nomme l’évêque par décret (tenu secret !) et informe le Saint-Siège par l’intermédiaire du Nonce apostolique. Puis, le pape confère à l’évêque nommé l’investiture canonique au moyen d’une bulle. Ce document est transmis au Président de la République via l’ambassadeur de France près le Saint-Siège et les deux ministères précités. Enfin, le Président prend un second décret, après consultation du Conseil d’État. Les deux États s’entendent sur une date de promulgation, de manière à ce que la parution au Journal officiel de la République française et dans l’Osservatore Romano (journal officiel du Vatican) soit simultanée.

Jean-Paul KUGLER

Juriste à l’évêché de Metz

On peut comprendre alors les longs mois d’attente afin de mettre en place tout ce procédé (habituellement long et davantage pour un diocèse concordataire),

sachant qu’actuellement près de 17 diocèses français sont en attente d’évêque …

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