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Une petite fantaisie de Noël …

Bien plus qu’un bout de bois

La Palestine est fraîche, chaque année en cette saison. Cela n’empêche nullement Joram, le jeune berger, de garder ses bonnes habitudes avec son petit troupeau confié par son père Eliakhim. Tous les matins que Dieu fait, il traverse le petit ruisseau, accompagné de ses trente petits compagnons à quatre pattes à la laine beige. Dans ce troupeau il y a un des derniers nés qui a toujours eu du mal à marcher. Il traine ses petites pattes arrière comme il le peut et essaie toujours de suivre le mouvement du troupeau de son mieux. Joram a pris en affection ce petit mouton qui sait le récompenser en léchant ses poignets lorsqu’il le porte sur ses épaules pour qu’il ne se perde pas. Il lui a même donné un surnom : « Tictoc ». C’est à croire que l’animal s’est reconnu car lorsque le jeune berger l’appelle ainsi, le petit ovidé arrive en titubant vers lui.

Tictoc, après s’être abreuvé de son mieux dans le cours d’eau, vient toujours se poser paisiblement au pied d’un jeune olivier alentour. De là il regarde le troupeau, appuyant parfois son petit museau sur une racine jaillissante du sol, ou bien se léchant les pattes attendant que la route reprenne. Si Tictoc se sent bien ici, c’est parce qu’il est un peu à l’ombre d’un soleil blanc et éblouissant, et les petites bruines matinales ne l’atteignent pas trop lorsqu’il est sous la houppe du jeune olivier. Mais cet arbre a lui aussi une spécificité, c’est peut-être pour cela que l’agnelet s’y trouve bien. Le jeune olivier est bien chétif ; il a du mal à pousser. Il est même tordu, le tronc n’est pas beau, ses ramures sont éparses et il ne donne que peu d’olives à la belle saison. Joram le connaît bien cet arbre. Et voir Tictoc sous ce frêle plumeau le fait sourire, comme si les deux allaient de pair. Tictoc bêle alors comme s’il comprenait que son maître se moque un peu de lui. Pourtant le spectacle est bucolique à souhait : un jeune mouton cagneux et un arbre tordu et presque malade. Cela n’empêche pas le reste du troupeau de passer les journées à l’abri de tout danger et à Joram de veiller à ce troupeau si tendrement. Et les jours défilent, paisiblement, à l’entrée de l’hiver.

Mais un matin, les habitudes se voient brusquement perturbées. Après s’être abreuvé, Tictoc ne retrouve plus son vieil ami de bois ; à la place il trouve une souche coupée et déracinée … Ses bêlements inquiètent Joram qui a compris que le petit mouton se voit confisquer un repère si important. Le spectacle ne sera plus le même. Détournant son regard, Joram aperçoit Elie, à quelques jets de pierre, le vieil aubergiste du village d’à côté : Bethléem. Elie est un vieux veuf, sans enfant, et il se dépense sans compter pour donner tant qu’il peut à ceux qui croisent sa route. Ce matin-là il est venu dans le pré chercher de jeunes arbustes … Joram lui court après pour lui demander pour quelle raison il a attaqué de jeunes oliviers – Joram n’ose pas donner la raison pour laquelle il a pris en affection l’un d’entre eux, il serait moqué. Elie lui raconte que de jeunes veaux vont arriver et qu’il va manquer de mangeoire dans son étable, sous son auberge. Il va alors fabriquer un ou deux autres râteliers afin d’y déposer le foin frais pour les jeunes bovins.

Tout ceci se déroule comme si Tictoc avait tout entendu. Et sur ses pattes fragiles il essaie péniblement de rejoindre le troupeau tandis que Joram revient pour se mettre en route et marche en avant de son troupeau. Des bourrasques de vent se lèvent et perturbent davantage la déambulation difficile de Tictoc qui est secouru alors par son ami berger qui le charge sur ses épaules, le couvrant de son manteau de laine.

À l’entrée du village, à la nuit tombante, il y a foule. Rien d’étonnant depuis que l’Empereur a décidé de ce recensement. Arrivent des étrangers de partout et parfois on voit revenir des anciens qui ont quitté le village, à la grande joie de certains qui eux, sont restés depuis ces années. Joram regarde, attendri, un tout jeune couple arrivant, mêlé à cette foule. Le jeune homme essaie péniblement de consoler son épouse, si belle mais qui a l’air si fatiguée ; elle est enceinte de surcroît. Les pauvres, se dit Joram, il était temps pour eux d’arriver. Il rentre chez lui.

Au milieu de la même nuit, on vit tout un lot de bergers et leurs troupeaux arriver d’un pas vif en plein milieu du village. On dirait qu’ils ont reçu une alerte ou l’ordre de vite arriver en un lieu. Ce lieu est précis : ils se dirigent tous à l’arrière de la maison d’Elie, vers l’étable. Joram n’aura pas manqué de prendre sous son bras le jeune Tictoc, car ses petites pattes répondaient encore moins en pleine nuit, au beau milieu d’un doux sommeil perturbé.

C’est un étonnant spectacle qui se déroule car le jeune couple vu en fin de journée est là, au milieu des bêtes et la femme a donné vie à son jeune enfant. C’est lui que tous sont venus voir. Dans la faible lueur des petites lanternes de l’étable, on devine des visages réjouis, consolés, soulagés. Et les parents qui chuchotent avec les étrangers venus leur rendre visite. Rien n’est trop beau que ce doux instant. Si beau et si recueilli que personne ne semble voir une petite scène si simple et pourtant lourde de sens … Tictoc est venu, comme il a pu, se blottir au bas de la mangeoire où repose le bébé. Il a son petit museau appuyé sur la base et commence à s’endormir comme apaisé. La mangeoire est toute neuve, récemment taillée et posée là. Elle est en jeune bois d’olivier…

L’enfant de la mangeoire dira un jour qu’il n’est pas venu guérir les bien portants, mais les malades ;

qu’il n’est pas venu pour être servi mais pour servir ;

qu’il n’a que faire des beautés extérieures,

il vient visiter ce qui est abimé ou déformé.

L. B.+

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