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Jeudi 4 mars

Méditation de l’évangile du jour : « il (Lazare) trouve ici la consolation, et toi, la souffrance » (Lc 16, 19-31)

Je pense que c’est l’une des plus belles paraboles dans l’Evangile de Luc. En la racontant, Jésus fait allusion à une histoire populaire bien connue de son temps en Judée : celle du pauvre scribe et du riche publicain Bar Mayan, qui avait vécu comme un impie notoire. Tous les auditeurs de Jésus savaient donc à quoi s’en tenir dès les premiers mots de la parabole : il s’agit d’un riche qui ne s’occupe ni des hommes ni de Dieu. C’est l’irréligion et l’égoïsme qui sont punis, et inversement Dieu récompense la piété et la confiance du pauvre.

Jésus ne dit pas que le riche est puni parce qu’il est riche et le pauvre Lazare, qui signifie « Dieu est venu en aide » est récompensé parce qu’il est pauvre.

Pour mieux se faire comprendre et aller plus vite à l’essentiel, Jésus présente la mort comme limite absolue. Que l’on ait vécu dans le lin et la pourpre, ou couvert d’ulcères, mendiant à la porte des autres, un moment vient toujours où les choses prennent leur vraie valeur. Et dans la pensée de Jésus, ce moment-là doit éclairer toute la vie d’un croyant. La mort, qui totalise toutes les fidélités d’une existence, fixe aussi l’homme définitivement dans ses choix. C’est donc avant qu’il faut se convertir ; c’est avant qu’il soit trop tard, qu’il faut choisir et ouvrir les yeux.

Or le riche de la parabole s’est aveuglé à longueur de vie. Il n’a pas vu le besoin qu’il avait de Dieu et de son pardon ; il n’a pas vu Lazare, qui ne réclamait rien, et qui guettait, non pas tellement les miettes qui tombaient de la nappe, mais ces morceaux de mie dont on se servait, dans les maisons très riches, pour s’essuyer les doigts, et qu’on jetait sous la table.

Lazare meurt, dans l’oubli général ; le riche meurt à son tour, et toute la ville est probablement là pour le porter en terre. Mais au-delà, tout change. L’au-delà, c’est le domaine de Dieu, et rien ni personne n’empêchera jamais Dieu d’être à la fois, et mystérieusement, le créateur et le juge, l’infiniment bon et l’infiniment lucide. Dieu lui-même se réserve le droit d’apprécier pour chacun, au-delà de la qualité de la vie, la qualité du cœur. Nous voudrions pouvoir échapper à cette logique de nos propres choix ; mais Jésus insiste, et il met sur les lèvres d’Abraham des paroles étranges : « Entre vous et nous un grand abîme a été disposé. » Ce n’est qu’une image, bien sûr, mais c’est l’image de l’irréversible. Il fut un temps, le temps même de la vie, où le riche impie pouvait quelque chose pour Lazare, au moins les bouchées de pain. Mais maintenant, dans l’au-delà, même Lazare, même l’ami d’Abraham ne peut plus rien pour lui.

Et c’est vrai il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre et plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Or nous sommes aujourd’hui dans une société, où l’on nous aveugle avec la consommation, ou on nous rend sourds avec la désinformation nous faisant croire que ce qui est bien est mal et que ce qui est mal est bon. Il nous faut donc apprendre à être vigilant et a discerner les choses.

Nous n’avons qu’une seule vie, elle nous appartient certes, mais avant tout elle appartient à Dieu, et la question qui se pose ici à nous est : quel cas faisons nous de la parole de Dieu dans notre vie ? L’écoutons-nous vraiment ? L’écoutons-nous à moitié ? L’écoutons-nous que lorsqu’elle ne nous dérange pas ?

Jésus rappelle l’exigence de la conversion. S’il est trop tard pour le frère mort, il est encore temps pour les cinq survivants ; mais Jésus ne veut pas qu’on s’illusionne sur les moyens à prendre. Ce qui convertit, ce ne sont pas les expériences extraordinaires. Même si l’un de nos défunts revenait parmi nous, passé le premier saisissement, nous retomberions dans notre médiocrité. Car personne ne peut répondre à notre place, et si la parole de Dieu ne suffit pas pour nous retourner le cœur, que pourrait faire une parole d’homme ? Nous avons Moïse, nous lisons les Prophètes ; bien plus, « en ces jours qui sont les derniers, Dieu nous a parlé par son Fils ». Si nous ne sommes pas convaincus par une telle preuve d’amour, qui pourra jamais nous parler d’espérance ?

Ce qui change une vie et la retourne vers Dieu, c’est la décision d’accueillir la parole de son Envoyé. C’est bien le sens de notre démarche de ce Carême.

Père Joseph

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