8 mai 1945 : Après 76 ans de paix, que préparons-nous pour demain ?

Après plus de cinq années d’une guerre en Europe qui a coûté la vie à des dizaines de millions de personnes, les forces alliées pénètrent en Allemagne en février 1945. Trois jours après le suicide d’Adolf Hitler dans son bunker, le 30 avril, les troupes nazies qui défendent Berlin capitulent, le 2 mai 1945. Dans la nuit du 6 au 7 mai, le général Alfred Jodl – chef d’état-major de la Wehrmacht – signe à Reims la capitulation sans condition de l’Allemagne. L’acte de capitulation fixe la cessation des hostilités au 8 mai à 23h01. Un nouvel acte de capitulation du IIIe Reich est alors signé à Berlin entre les commandements militaires allemands et alliés. La guerre prend officiellement fin sur le continent européen.

Là où surgissent la guerre et la violence, là se préparent des années de pauvreté et misère. Les situations de guerre ont des effets destructeurs sur les relations dans et entre familles, dans et entre communautés. La violence s’institutionnalise ou se sacralise au coeur des cultures dans la dynamique du désir mimétique : chacun veut pour soi ce qu’il voit dans la main de l’autre.

Les évangiles et toute la bible nous disent à l’opposé : « Ce que tu désires pour toi, désire le pour les autres, c’est là toute la loi et les prophètes ». Cheikh Khaled Bentounès ou l’Abbé Pierre proclamaient : « La joie vient de ce qui est partagé, et non de ce qui est jalousement gardé », « l’important n’est pas dans ce que l’on possède mais dans ce que l’on échange ».

Nous célébrons aujourd’hui la Paix entre les peuples.
Pour apprendre la paix, il nous faut comprendre le « pourquoi » de la guerre.
Au Rwanda les radios semaient la haine entraînant le génocide.
Chez nous la surenchère des mots et le choc des images s’accélèrent.
On a besoin des mots pour raconter et révéler la vérité ;
mais les mots peuvent mentir, peuvent détruire comme une arme.
Il nous faut apprendre à distinguer entre « les mots qui disent la vérité »
et « les mots qui n’expriment que des rumeurs ».
Les rumeurs circulent plus vite que la vérité.
Jésus nous dit : « C’est la vérité qui vous rendra libre ».

Nelson Mandela remarquait : « les comportements de violence sont plus largement répandus quand les autorités acceptent l’usage de la violence dans leurs propres actions ». Gouvernements autoritaires, exclusion économique et cultures autoritaires excitent la colère, le ressentiment et désir de vengeance, produisant ainsi un cercle vicieux qui ne finit jamais.

Les facteurs de risque de la violence peuvent avoir leur origine dans la société, dans la famille, ou dans les individus eux–mêmes. Quand nous nous plaignons de la violence dans nos villes ou cités, nous parlons alors de cette violence visible et médiatisée. Mais il nous faut révéler la violence invisible et intérieure : combien de personnes, en effet, ont peur de l’avenir, se sentent exclues et ne désirent même plus continuer à vivre, ne trouvant plus de sens à leur vie. La violence domestique aussi peut engendrer la violence dans la communauté. Femmes et enfants sont alors les plus touchés. Les victimes ou témoins de violences, ne pouvant gérer leur haine et colère d’une façon positive, ont un grand risque de devenir elles-mêmes violentes à leur tour.

Un Rapper criait : « Quoi qu’je fasse, quoi qu’je dise, j’ai la haine ! Pour moi, personne ne s’aime ! »

Les émotions sont enfouies très profondément en nous, et c’est là que toute action doit être dirigée. L’impossibilité de contrôler nos émotions et notre incapacité à transformer la haine, le ressentiment ou le désir de vengeance… favorisent les manifestations violentes.
Pour toucher le cœur de la cité, il nous faut aussi toucher le cœur de chacun.
Car les villes sont aussi construites de l’intérieur.

Dans nos paroisses, nous sommes témoins de jeunes et d’adultes qui, au creux même de situations d’épreuves, d’échecs ou de violences subies, ont trouvé en eux la force de résister et de se reconstruire ! C’est ce qu’on peut appeler la « résilience » ou le réalisme de l’espérance qui prend le dessus. La spiritualité, l’amour et l’humour sont des facteurs essentiels de résilience… vers le plein épanouissement de soi, vers le don de soi.

La résilience est omniprésente dans la Bible. Un exemple, que nous avons en commun, est celui de Jacob : à un moment traumatisant et très difficile de sa vie, Jacob se bat avec quelqu’un, et sort du combat avec une hanche déboîtée. Il en est fier. Il était simplement chef d’une petite tribu, le « Seigneur », avec qui il a combattu, lui dit : « Désormais tu seras le père d’un grand peuple. » Changement complet de destinée à la suite d’un traumatisme grave et d’une rencontre-révélation.

Sans réconciliation avec soi, avec la création, avec les autres, avec le Tout Autre, aucun futur n’est possible.
Alors que l’humanité se déchire, répondant aveuglément à la terreur par une autre terreur, nous proclamons que la terreur ne peut être vaincu que par l’Amour, aussi paradoxal que cela puisse paraître. La logique de répondre à la violence par une autre violence plus forte, la logique de la justice punitive ne conduit ni à la démocratie, ni à la paix ! L’expérience historique montre que la justice seule est incapable de libérer de la rancœur, de la haine et même de la cruauté.
Le pardon est nécessaire pour résoudre les problèmes individuels et communautaires.
Il n’y a pas de Paix sans Pardon.

Pardonner n’est pas oublier, mais se souvenir avec des yeux différents.
Parler de tendresse et de compassion dans notre monde actuel est quelquefois incompris. Néanmoins ces qualités sont les plus fondamentales à la nature humaine, spécialement si nous croyons que nous sommes des êtres créés à l’image du Créateur.

Oussama, Stéphane, Mohamed, Assadi, des jeunes de toutes origines et croyances me disaient il y a quelques années à Blanc-Mesnil : « Dans nos cités, quand on arrive à unir les différences, elles font une nouvelle culture ! Et c’est mieux qu’une seule culture. Tout le monde n’a pas cette chance. Ce n’est pas facile, mais il ne faut pas avoir peur, il faut aller vers les autres pour faire connaissance. Cela t’apprend en tant que personne à te comprendre toi-même. »

Je prose de conclure par cette magnifique invitation de Mère Teresa :
« Ne laisse jamais quelqu’un venir à toi sans qu’il reparte mieux, et plus heureux. »

Vincent

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