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Vers la béatification

Le procès

Avant qu’une personne soit reconnue sainte par l’Eglise, il faut suivre une procédure rigoureuse qui permettra de vérifier :

  • le rayonnement spirituel du Serviteur de Dieu après sa mort (l’impact de sa vie dans le monde) : c’est à la fois un signe de sa participation à la sainteté de Dieu et l’assurance que son exemple est accessible et bienfaisant au peuple chrétien; les miracles qui peuvent lui être attribués revêtent à ce titre une grande importance.
  • son martyre ou ses vertus chrétiennes :
    le martyre , c’est à dire la mort subie par fidélité à la foi. C’est le suprême témoignage que peut donner un chrétien, et il suffit à le rendre exemplaire quand bien même le reste de sa vie ne l’aurait pas été ;
    quant aux vertus chrétiennes, elles sont, en l’absence de martyre, la marque d’une foi vivante et la démonstration que la sainteté n’est pas inaccessible à l’homme.

La procédure consiste d’abord en une enquête approfondie confiée à l’évêque diocésain, puis en une décision réservée au pape après un examen minutieux du dossier par un organisme spécialisé du Saint-Siège : la Congrégation pour la cause des saints.

Celle-ci a un avocat : le postulateur de la cause. Il est choisi par celui ou ceux qui ont introduit la cause; l’évêque recourt pour sa part à des experts (théologiens); il fait entendre des témoins, examiner les écrits du serviteur de Dieu s’il y en a, procéder à une enquête sur son martyre, sur ses vertus chrétiennes, sur les miracles avancés comme preuves. Une fois l’enquête achevée, l’ensemble du dossier avec les conclusions de l’évêque est transmis à Rome.

C’est alors la Congrégation pour la cause des saints qui va mener à son terme l’examen de la cause. Dans le cours de la nouvelle procédure, intervient le promoteur de la foi. Après délibération, la Congrégation se prononce par des votes à propos du martyre, des vertus chrétiennes, des miracles; s’ils sont positifs, ils se traduisent par des décrets reconnaissant la réalité des éléments indispensables à la béatification ou à la canonisation. Le dossier est alors remis au pape à qui revient l’ultime décision.

Qu’est-ce qu’un saint ?

C’est une personne que l’Église propose en exemple au peuple chrétien pour sa vie héroïque, qui témoigne de l’action de Dieu en elle. Au cours de l’histoire, on s’est servi des saints de multiples manières, dont certaines n’étaient pas toujours…très catholiques ! Certaines processions ressemblaient davantage à des rassemblements nationalistes ou à des cultes idolâtriques qu’à des célébrations chrétiennes. Il s’agissait là d’excès.

L’Eglise exprime ce qu’elle pense des saints dans une prière officielle, la préface récitée, pendant la messe, en l’honneur de leur fête : « Lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons. Dans leur vie, tu nous procures un modèle, dans la communion avec eux, une famille, et dans leur intercession, un appui. »

Dans cette prière adressée à Dieu est soulignée que les saints ne sont pas des demi-dieux, mais des personnes ordinaires dont le seul mérite est d’avoir été choisies par Dieu (« Tu couronnes tes propres dons ») et de n’avoir pas fait obstacle à ce choix. Ce choix est valable pour tous les baptisés qui sont invités à refléter en leur vie la vie de Dieu. C’est pourquoi ils deviennent des modèles

Si l’Eglise affirme que les saints forment une famille et qu’ils intercèdent auprès de Dieu, c’est parce qu’elle croit à la solidarité des hommes entre eux, même au-delà de la mort. Pour elle, les hommes de tous les temps sont appelés à faire un seul Corps : le Corps du Christ qui vit à la fois dans le temps (les vivants sur la terre) et déjà hors du temps (ceux qui sont auprès de Dieu).

Un saint n’est donc pas un substitut à Dieu, mais il est quelqu’un de proche de nous au travers de son histoire humaine, qui nous montre un chemin vers Dieu. Sa vie témoigne du fait que vivre avec Dieu et selon ses commandements, c’est possible. C’est pourquoi, il est possible de leur demander de prier Dieu pour que nous aussi nous sachions faire sa volonté. Sûr que vivant auprès de Dieu, ils peuvent continuer d’obtenir au travers de leurs prières, des grâces telles que nous pouvons en recevoir en priant les uns en faveur des autres et bien plus du fait de leur grande sainteté.

La prière pour la béatification

Et si Dieu n’existait pas ? Avouons que la question est parfois tentante, surtout quand on commence à parler de prière … La Bible, ce livre le plus vendu au monde, ne nous raconte rien d’autre que la manière dont Dieu est venu à la rencontre des hommes, et aussi leur réponse à ce Dieu qui se révèle.

Et la prière est justement cette réponse de l’homme à Dieu …

Et si Dieu n’existait pas ? Que serait l’homme ? Un être de chair et de sang qui marche vers sa fin, et que « la mort mène paître » (Psaume 49,15) ? Un être condamné à vivre et travailler, pour une vie sans sens ? Les chrétiens, et d’autres avec eux, qui nous ont précédés, témoignent d’une chose : oui, notre vie a un sens ; oui, nous marchons vers la Vie ; oui, Dieu existe et je l’ai rencontré ! Les prier, c’est leur demander de nous éclairer sur la manière dont ils ont répondu. Les prier, c’est poser l’acte de foi qu’ils se tiennent devant Dieu, en la vie éternelle, et qu’ils lui confient nos intentions.

Et si Dieu existait ? Alors Sa Parole prend sens en ma vie ; alors le témoignage des Chrétiens peut m’apporter quelque chose …, alors Il attend peut-être que je me tourne vers Lui … alors …

La prière, ce n’est rien d’autre que cela : se tourner vers Dieu tout simplement …

  • prier, ce n’est pas d’abord demander quelque chose à un Dieu impersonnel, distributeur de grâces et de faveurs …
  • prier, ce n’est pas d’abord faire des choses ou accomplir des rites …
  • prier, ce n’est pas faire ou dire …

prier, « c’est un élan du cœur », comme dit Thérèse de Lisieux. C’est poser un acte de foi en ce Dieu dont on entend si souvent parler, mais qu’on laisse si peu s’exprimer. Prier, c’est aimer et se laisser aimé …

La Bible, la Parole de Dieu, ne nous dit rien d’autre que l’histoire d’un Dieu qui nous aime et qui mendie notre amitié en retour : « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime » dit Dieu (Isaïe 43,3).

Dieu a envoyé son Fils dans le monde, le Christ : mort et ressuscité pour nous ouvrir à la vie de Dieu, il n’aura chercher toute sa vie qu’à nous permettre de rencontrer de Dieu. Oui, Dieu est Dieu ! Il a un nom, un visage : il est une Personne.

Aujourd’hui, il frappe à la porte de notre cœur : la poignée pour ouvrir se trouve de notre côté. Poser la main sur la poignée pour ouvrir, c’est déjà cela prier !

Les témoignages

René Lejeune

« Robert, as-tu le chapelet sur toi ? »

Maintes fois l’enfant a entendu cette question, au moment où il quittait la maison pour l’école. La question de sa mère résonnera plus tard dans la mémoire de l’adulte. Député, ministre, ou chef du gouvernement, Robert Schuman ne pourra plus commencer une journée sans le petit amas de grains lumineux qui relie la terre au ciel. Et il l’égrenait chaque jour.

La tonalité mariale de sa piété lui venait de sa mère. Eugénie Schuman avait vingt ans quand naît son fils unique en 1886. (…) A 17 ans, le fils se fait promoteur des pèlerinages luxembourgeois à Lourdes. Peu après, sous l’influence du pape qui privilégie la vie intérieure, sans laquelle le croyant demeure à la superficie des choses, la mère et le fils font l’acte d’abandon total à la volonté du Seigneur. Pie X, le saint de l’Eucharistie, entraîne aussi dans son sillage spirituel la multitude des âmes ferventes du catholicisme. Cette influence succède à celle, biblique et mariale, que Léon XIII a exercée en profondeur sur l’Eglise vivante. Les deux pôles de la spiritualité de Robert Schuman ont aussi été créés par deux grands papes, relayés auprès de lui par le cœur de sa maman. L’Eucharistie et la Parole de Dieu orienteront toute sa vie. A l’aube, il méditait, invariablement un passage de l’Ecriture. Et chaque fois qu’il le pouvait, il participait à la Messe. Toujours en compagnie de Marie, « notre mère bien-aimée », comme il se plaisait à dire. Lourdes, La Salette, la chapelle de la médaille miraculeuse à Paris étaient ses relais marials préférés.

document fourni par le Postulateur de la Cause,
le père Joseph Jost.

Père Gaillot, curé de Scy-Chazelles

Nous publions ici un message rédigé par le Curé de Scy-Chazelles, l’abbé Gaillot, qui livre ainsi son témoignage sur Robert Schuman, son paroissien habituel, mais qui l’assista aussi au cours de sa maladie.

« Chers paroissiens,

Notre illustre compatriote, le Président Robert Schuman est mort. Nous avons vécu dans l’émotion ses derniers instants. Les rapports de la presse écrite et parlée, en nous rappelant sa vie et son oeuvre, nous ont découvert l’homme que tous nous connaissions déjà pour avoir vécu avec lui.
(La paroisse se doit elle aussi) de rendre un hommage spécial à celui qui, tout en étant le politicien émérite et le Père de l’Europe, était aussi l’humble et fervent paroissien de Scy-Chazelles.

Combien de fois, en effet, ne l’avons-nous pas vu se mêler, sans ostentation aucune, à la foule des fidèles dans notre petite église paroissiale ou dans notre baraque chapelle de Scy-Bas.
Combien de fois aussi, dans le silence du matin, n’allait-il pas se recueillir dans le petit sanctuaire de la Maison du Sacré-Coeur, face à sa demeure.

C’est qu’en fait Robert Schuman n’était pas seulement le paroissien bon pratiquant, mais avant tout un chrétien vivant pleinement sa foi. Et c’est à Scy-Chazelles, on peut le dire, dans les divers sanctuaires sis sur la paroisse, qu’il venait alimenter cette foi et puiser la force pour être ce que le Seigneur voulait qu’il soit.

C’est de cette foi profondément enracinée dans son coeur, qu’a jailli, on peut l’affirmer, tout cet ensemble vertueux fait de loyauté, d’intégrité, de disponibilité et de fermeté qu’on lui connaissait et qu’il savait imprégner de douceur, d’amabilité et de grande simplicité. C’est par ces vertus que tout à la fois, il forçait le respect; provoquait l’admiration et attirait.
C’est aussi sous le souffle de cette foi profonde, on peut également l’affirmer, qu’ont germé et mûri en son esprit ces grandes idées de Paix, d’Unité et de Concorde entre les hommes ; idées qu’il ne s’est pas contenté de méditer, mais pour la réalisation desquelles il a sans cesse travaillé, combattu, vécu. Et quand quelqu’orage menaçait son entreprise, c’est encore sa foi qui le soutenait, c’est sur elle qu’il s’appuyait. « Le Seigneur est le Maître, me disait-il un jour, il faut toujours lui faire confiance ».

C’est donc à Scy-Chazelles, à l’ombre des grands chênes de sa demeure, dans l’intimité et le recueillement, de ses fréquentes rencontres avec le Seigneur, qu’il a trouvé cette force quasi surnaturelle qui a fait de lui non seulement le promoteur et défenseur des grandes valeurs humaines, l’homme d’Etat, l’artisan de la Paix entre les hommes, mais aussi le véritable serviteur de l’Eglise.

L’hommage que Metz, la Lorraine, la France et l’Europe lui ont rendu au jour de ses funérailles, il l’avait bien mérité.

Chers paroissiens, le Président Schuman, par son témoignage, par sa vie, par son oeuvre, nous a tous glorifiés et ennoblis. Notre petit village de Scy-Chazelles est devenu, grâce à lui, célèbre. Parce que, dans la solitude de sa petite maison de Chazelles, dans l’esprit généreux d’un homme humble, ont pris forme ces grandes réalisations européennes que nous voyons se développer aujourd’hui, Scy-Chazelles peut se glorifier, un peu du moins, d’être devenu le « Berceau de l’Europe ». C’est désormais notre fierté ; mais cette fierté appelle et exige notre reconnaissance. Nous l’exprimerons non seulement par le souvenir que nous garderons de cet homme simple, non seulement par notre prière généreuse pour celui qui reste parmi nous dans notre cimetière, mais aussi par notre effort à marcher sur ses traces et à oeuvrer à sa suite, là où Dieu nous place et selon nos moyens, à ces grandes causes que sont la Paix, la concorde entre les hommes, leur rassemblement dans le Seigneur. »

M. Gaillot, curé de Scy-Chazelles

Religieuse

Voici le témoignage d’une religieuse à la fin de la vie de Robert Schuman (1961-62). Nous l’avons rencontrée alors que nous étions en visite à Scy-Chazelles. Elle se trouvait être pour quelques jours à la maison des soeurs qui vivent juste en face de la Maison de Robert Schuman. Elle a bien voulu nous parler de cet homme qu’elle a soigné. Elle a souhaité pourtant qu’on ne diffuse pas son nom :

« J’étais responsable des pensionnaires (Maison des servantes du Coeur de Jésus, Scy-Chazelle), Robert Schuman habitait en face; nous le connaissions bien car il venait prier dans notre chapelle chaque matin avant de descendre sur Metz. Je l’ai plus connu lorsqu’il est tombé malade.
Un matin après la messe, Marie Kelle, sa gouvernante est venue chez nous : « Monsieur, c’est ainsi qu’elle appelait Robert Schuman, Monsieur n’est pas rentré. » Alors avec les élèves nous sommes allés à sa recherche, Monsieur le maire a été prévenu. C’est qu’il ne s’absentait jamais sans prévenir. On l’a retrouvé dans un chemin : il avait fait une crise d’épilepsie, était tombé et s’était blessé aux pieds et au visage. Il avait passé toute la nuit dehors ; on l’a ramené dans sa chambre au premier étage, et on l’a couché dans son lit de fer, un petit lit tout simple. Alors je lui ai dit : « Vous n’avez même pas un bon lit, Monsieur Schuman ! » Et lui m’a répondu : « Il est très bon pour moi, vous savez. »

« C’était un homme très simple. A Moulin, il s’arrêtait volontiers au magasin de semences : c’est qu’il aimait beaucoup les fleurs, et il en avait beaucoup dans son jardin qu’il aimait tant; on le trouvait souvent au fond de son jardin, à cultiver ou à arracher les mauvaises herbes. Lorsque je suis allée le soigner, j’ai pu découvrir la simplicité de sa maison, de sa cuisine, où il partageait tous ses repas avec sa gouvernante. Nous nous retrouvions souvent dans le bus de Metz qui nous lâchait en bas à Moulin, et nous remontions tous les deux la côte de Scy. Alors nous nous asseyions sur un banc, le long de la route, au niveau de son jardin, et nous bavardions. C’est qu’il se tenait informé de tout, et connaissait toutes les ouvertures du commerce… Je lui ai un jour demandé :  » pourquoi ne prenez-vous donc pas une voiture ?  » –  » non, moi je suis très bien en bus, au milieu des gens et je peux bavarder avec eux « . Pourtant dans le car, il n’avait pas toujours une place assise, et lorsqu’on lui offrait une place, gentiment il déclinait en disant :  » ne bougez pas, merci beaucoup « . Il était très aimé, parce qu’il avait une façon de faire très simple et très avenante vis à vis des autres. C’était un type, un grand homme, un ministre… et bien cela ne l’empêchait pas de s’arrêter à tout le monde à la sortie de la chapelle.

« Pourtant il était plutôt timide, très effacé, même si très ouvert : on parlait avec lui en grande simplicité. C’était un homme bon qui ne se regardait pas et ni ne se recherchait vis à vis des autres. Il était très agréable, et avait toujours le sourire, même lorsqu’il parlait. Il était généreux avec nous et nous donnait de l’argent pour les enfants; il m’en a même envoyé en Afrique, pour les lépreux dont je m’occupais par la suite.

« Un jour je lui ai dit : « Vous priez beaucoup, Monsieur Schuman ? – oui, me dit-il, j’ai demandé au Saint Père de rentrer dans un monastère, il m’a dit que je ferais plus de travail en étant dehors qu’en étant enfermé. » Oui, c’était un homme de Dieu. Tous les jours, avant de descendre à Metz, il priait dans la chapelle, et nous le voyions en entrant par derrière pour la messe. Je ne l’ai jamais vu debout, ou assis, mais toujours à genoux. Et ce qui je retiens surtout c’est sa façon de prier : il était imprégné de quelque chose … avec un visage très marqué… que l’on voit rarement chez un homme. Il venait aussi adorer le Saint Sacrement tous les premiers vendredi du mois. Il avait aussi son bréviaire et une grande dévotion mariale : il priait son chapelet.
Durant sa maladie, il ne parlait jamais de lui ou de sa souffrance Et pendant les soins que je lui prodiguais je voyais bien qu’il s’abandonnait à Dieu. Je lui demandais : « ça vous fait mal, Monsieur Schuman – non … non », disait-il sans se plaindre.

« C’est important que vous, les jeunes, vous connaissiez un tel homme : car sa façon d’agir, de parler, ses sentiments très simples et très bons, sa voix très douce … sont plein d’enseignement à l’heure où il faut se montrer plus que les autres et se mettre en avant. Oui, comme Robert Schuman, apprenez à bien regarder les gens et à les écouter. »

Konrad Adenauer, Chancelier allemand

« En août 1949, à une époque difficile pour nos deux pays, j’ai rencontré pour la première fois Robert Schuman. Cette rencontre était le début d’une amitié personnelle qui nous a intimement lié et qui reposait sur l’entière similitude de nos idées. Cette première rencontre, je peux me permettre de le dire aujourd’hui, posait la pierre fondamentale de l’oeuvre par laquelle nos deux pays se sont liés en janvier 1963 : le traité franco-allemand. »
(Nov. 1963)

Paul-Henri Spaak, Ministre belge des Affaires étrangères

« C’était un grand plaisir pour moi de collaborer avec Robert Schuman. Je n’ai jamais vu un homme d’apparence plus modeste, d’allure plus discrète, manifester autant d’imagination et d’audace politique. Il n’avait aucune des caractéristiques que l’on réclame généralement d’un leader. Il parlait simplement, sans formules frappantes, ne cherchant pas à émouvoir. Mais une telle honnêteté, une telle conviction, une telle sagesse émanaient de ses propos, qu’il séduisait, convainquait et entraînait mieux que n’aurait pu le faire un orateur bien plus brillant.

Que cet homme réservé et même timide ait pu s’imposer à l’Europe jusqu’en être considéré pendant des années le conducteur est une chose étrange. Grâce à lui, le prestige de la France allait s’affirmer. Elle allait être l’incontestable chef de file. Pour arriver à ce résultat, les manières aimables, le doux sourire, le regard clair de Robert Schuman ont fait mieux que la diplomatie hautaine et brutale du général De Gaulle. Il a démontré que l’on peut devenir le premier en s’imposant par un ensemble de qualités humaines, et qu’il est inutile de réclamer arbitrairement cette primauté au nom d’une grandeur que l’on s’octroie ou d’une autorité que l’on se confère à soi-même. »

Raymond Barre, ancien Premier Ministre

« C’est en cherchant à mieux comprendre l’homme au-delà de ces actes que j’ai perçu chez lui l’alliance toujours respectée des valeurs religieuses et humanistes, et de l’action politique … « Catholique mosellan » comme il se définissait lui-même, Schuman est toujours resté fidèle à ses convictions et à lui-même, en dépit des vicissitudes de l’histoire, en dépit des péripéties de la politique, malgré les critiques et les sarcasmes …

Robert Schuman n’a jamais transigé sur ses convictions ; il a inscrit son action dans une perspective spirituelle, dont il ne s’est jamais écarté. Ainsi, par une constante ascèse, l’homme d’État fut en même temps un apôtre laïc. »

Dean Acheson, secrétaire d’Etat américain sous Truman

« Robert Schuman est un homme maigre, légèrement penché en avant. Son visage allongé, grave et même ascétique, lui donnait l’apparence de solennité déconcertante rehaussée par sa tête chauve et par son habitude de rentrer le menton pour jeter un coup d’oeil par dessus ses lunettes. Il parle doucement, souvent en généralités abstraites, ce qui est naturel pour un juriste spécialiste du droit civil. Il a un vif sens de l’humour qu’il pratique presque à la dérobée. Il était d’un naturel chaleureux et affectueux envers ceux qui jouissaient de sa confiance. Mais il y avait aussi de l’acier en lui. Je travaillais avec Schuman depuis un an, tout en éprouvant pour lui de l’amitié et de l’admiration, avant de m’apercevoir de la magnitude de son imagination et de son originalité. » (1961)

Vincent Auriol, ancien Président de la République, s’est souvent élevé contre Schuman

« Par-dessus tout cela, l’église ; elle a fait la triple alliance Adenauer-Schuman-Gasperi, trois tonsure sous la même calotte, et je suis inquiet de Schuman, d’ailleurs fatigué et soumis à l’intérieur au cléricalisme, à l’extérieur à la triple alliance cléricale.
Politique de folie. Je demande que Schuman n’ait pas les affaires étrangères. Mais si cela peut paraître aux Américains une renonciation européenne à cause du Pool, il faut dire que c’est l’oeuvre de Monnet. »

« Herriot m’a félicité chaudement. Il m’a dit : « Schuman, c’est le Vatican ; et il facilite la tâche d’Adenauer même contre nous ; il faut en finir. »

André Philip, professeur d’économie politique, ancien Ministre, protestant

« J’ai connu Robert Schuman pendant une quinzaine d’années au parlement, au gouvernement puis au mouvement européen.

Ce qui m’a d’abord frappé en lui, c’était ce rayonnement de sa vie intérieure. On était devant un homme consacré, sans désirs personnels, sans ambition, d’une totale sincérité et humilité intellectuelle, qui ne cherchaient qu’à servir, là et au moment où il se sentait appeler. Par tradition, il était conservateur, hostile aux innovations ; par tempérament il était pacifique, timide et hésitant. Souvent il a louvoyé, retardé la décision, essayé de ruser avec l’appel qui se faisait entendre au fond de sa conscience ; puis, quand il n’avait plus rien à faire, qu’il était sûr de ce qu’exigeait de lui sa voix intérieure, il prenait brusquement les initiatives les plus hardies et les pousser jusqu’au bout, insensible aux critiques, aux attaques, aux menaces.

Dans l’atmosphère enfiévrée des débats parlementaires, il était rafraîchissant de rencontrer un homme toujours prêt à engager le dialogue, cherchant à persuader, tenant compte des objections, toujours avec le même calme et une entière courtoisie. Pour atteindre son but, même le plus important, il n’a jamais employé en moyen vulgaire, exagéré le poids d’un argument, ni élevé la voix.

Mais par-dessus tout, il restera dans la mémoire de ceux qui l’ont connu comme le type du vrai démocrate, imaginatif et créateur, combatif dans sa douceur, toujours respectueux de l’homme, fidèle à une vocation intime qui donnait le sens à la vie. » (Nov. 1963)

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