Seingbouse : mémoire d’un enfant d’immigrés

Dimanche 25 septembre 2021, à l’occasion de la Journée mondiale du migrant et du réfugié en l’église de Seingbouse, Giuseppe, « migrant d’hier », a témoigné avec beaucoup d’émotion de son parcours :

« Je me souviens, j’avais sept ans. Beaucoup d’hommes désertaient le village pour fuir la précarité. Pauvreté et misère caractérisaient les conditions de vie qui faisaient fuir les migrants mais qu’ils retrouvaient le plus souvent à l’arrivée. Des histoires de dur labeur, de femmes, d’hommes et d’enfants exploités, mais des histoires de réussite et d’accomplissement professionnel. Quand mon père est parti en 1955, les larmes de ma mère étaient comme des coups de couteau sur sa poitrine, allait-t-il revenir ?

Nous étions restés en Sicile, ma mère avec six enfants, et pendant des mois nous n’avions aucune nouvelle. Il est parti car les mines avaient besoin de personnel mais lors de sa visite médicale il n’a pas été retenu car ses poumons étaient brulés par ses vingt ans de travail dans les mines de souffre sans aucune précaution. Il a trouvé du travail sur les chantiers comme maçon. L’entreprise a profité de lui, elle le payait avec un salaire de misère car il n’avait pas de papiers en règle. En août 1956, nous somme venus. Nous avons a été accueillis par mon oncle qui avait un logement de la mine : baraque en bois à la ville de L’Hôpital (à la cité colline). Nous nous sommes retrouvés avec treize enfants et quatre adultes. Plusieurs mois plus tard, nous avons eu un logement. Les premiers mois étaient très difficiles. La vague de froid de 1956 a été exceptionnelle tant par sa durée que son intensité avec d’importantes chutes de neige, la couche a atteint plus de 70 cm. On calfeutrait toutes les issues, il faisait -25 degrés dehors. Quelle ironie pour des gens qui ne connaissent ni le froid ni la neige ! À l’école on nous traitait de sales macaronis nous ne répondions pas aux insultes. Mon père nous disait que le silence est d’or. L’éducation, le sport, le travail et les sacrifices nous ont servis de tremplin dans la vie. La télévision et les journaux donnent des nouvelles des réfugiés qui fuient la faim, la guerre, d’autres graves dangers, à la recherche de la sécurité et d’une vie digne pour eux-mêmes et pour leur famille. Une société a besoin d’une certaine stabilité mais également d’un certain renouvellement. L’identité collective n’est jamais un acquis défini une fois pour toute, mais un acquis en permanente évolution. La France n’a-t-elle pas été façonnée, au cours du temps, par de nombreuses vagues d’immigration ? Empêcher tout renouvellement ou refuser toute évolution constitue une menace de rigidité et de repli identitaire, qui peut détruire le vivre ensemble. »

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