Lourdes 2023 : quelle voix catholique pour aujourd’hui ?

Du mercredi 24 au vendredi 27 janvier 2023, à Lourdes (Hautes-Pyrénées), les 26e Journées Saint-François-de-Sales ont rassemblé près de 230 professionnels des médias de 25 pays. Une occasion de croiser les regards sur la manière de faire entendre une voix catholique au cœur d’une société sécularisée.

L’ensemble des journalistes et des communicants présents ont pris le temps d’évoquer divers enjeux qui traversent leur profession : l’avenir de la presse catholique, la manière de relayer la douloureuse crise des abus sexuels dans l’Église, les chantiers à mettre à pied d’œuvre pour rester audibles dans des sociétés gagnées par la sécularisation… Le parti-pris fut de convoquer des voix d’acteurs situés plutôt que des experts ou universitaires patentés. Avec le souci de la parité dans les témoignages.

La rencontre s’est ouverte sur une première table ronde sur le courage d’informer, avec les témoignages croisés d’une religieuse camerounaise, d’une journaliste ukrainienne en poste au Vatican et d’un journaliste américain en poste en Ukraine. Autre sujet brulant : le traitement de la crise des abus au sein de l’Église, avec les interventions de Céline Hoyeau, du service Religion du quotidien La Croix, et Antoine-Marie Izoard, le directeur de la rédaction de Famille chrétienne. Quant à la question de transmettre la parole de l’Église, alors que nos contemporains se détournent de plus en plus massivement de celle-ci, elle fut abordée par Diane Pilotaz, secrétaire générale adjointe et directrice de la communication de la Conférence des évêques de France (CEF) et par Agnès Cerbelaud, déléguée nationale à la communication et aux relations extérieures des Scouts et guides de France. Les médias doivent-ils transmettre la parole officielle ou être des médiateurs entre leurs lecteurs et la pensée des acteurs de l’Église ? La pratique du scoutisme est une pédagogie de l’action, qui intègre la dimension spirituelle et permet, a minima, de semer une première annonce de Jésus auprès des jeunes et de leurs éducateurs.

La seconde journée a permis d’aborder la question de la concurrence, ou non entre, les influenceurs qui captent une forte audience sur les réseaux sociaux comme Tik Tok et les journalistes. Si les métiers et les approches sont différentes, les uns faisant de l’information, les autres apportant un témoignage auprès de leur communauté, la question pour les jeunes générations se posent. Car celles-ci s’informent de plus en plus via les réseaux… se détournant de l’information issue des grands médias. Les journalistes doivent-ils devenir des influenceurs, en changeant de registre, non plus une posture de médiateurs, mais de producteurs d’opinion personnelle ? Le débat fut ouvert.

Deux invités, deux ambiances

La journée fut aussi marquée par la présence de deux personnalités : le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, bras droit du pape François, venu remettre le prix Père Jacques Hamel au journaliste Christophe Chaland pour son interview d’un prêtre missionnaire italien, prisonnier des moudjahidines durant deux ans au Sahel. Il a également présenté un exposé sur la politique diplomatique du Saint-Siège, à l’heure où des conflits ressurgissent. Son exposé fut écouté « religieusement » par l’assemblée.

A contrario, dans une ambiance beaucoup plus décontractée, le témoignage de l’humoriste Gad Elmaleh, acteur et réalisateur du film Reste un peu, sur son cheminement vers la foi chrétienne, a dynamisé l’assistance. Celui-ci a présenté son itinéraire, mais a surtout encouragé les journalistes catholiques a osé parler : « J’ai découvert les médias catholiques ; vous êtes vraiment nombreux. Pourquoi ne dites-vous pas que vous existez ? C’est une tradition très catholique de ne pas assumer sa foi pour plaire. Souvent, les croyants avec qui je parle – qu’ils soient chrétiens ou juifs – évacuent leur appartenance religieuse pour mieux convenir à ce qu’ils croient qu’on attend d’eux. Ils se trompent. Médias catholiques, n’ayez pas peur ! Soyez forts, singuliers et assurés ! »

Peut-on traiter des divisions dans l’Église ?

Durant la troisième journée, la dernière table ronde a permis d’évoquer la question du traitement des divisions dans l’Église et particulièrement dans trois pays : aux États-Unis, en Italie et en France. Trois situations différentes, mais des convergences tout de même, car il s’agit de la même Église et d’une sécularisation qui avance partout. L’exposé du journaliste Jean-Marie Guénois du Figaro, titre non confessionnel, a particulièrement souligné l’importance de traiter de ces sujets, en considérant le lecteur et le croyant comme un adulte, avec respect et tact. Aujourd’hui, pour lui, le monde catholique est divisé sur six sujets : la manif’ pour tous, le positionnement des papes sur la mise en œuvre du concile Vatican II, la question des migrations depuis le voyage du Pape à Lampedusa, l’autorisation de la célébration dans le rite de 1962, l’émergence du vote Zemmour à l’occasion des dernières élections présidentielles et la réception du rapport de la commission Sauvé sur les abus sexuels. Devant ses réalités, il faut savoir expliquer la position catholique avec nuances, mais garder un esprit critique pour ne pas prendre le cas d’une minorité pour toute la réalité. En illustration, il a évoqué les médias focalisant l’attention sur le cas de prêtres abuseurs, alors qu’ils sont une infime minorité, laissant penser que tous les prêtres sont pédophiles. « C’est faux ! Et il faudra dix ans pour sortir de cette fausse idée. »

À l’issue de cette session, on comprend que porter une voix catholique au cœur d’une société sécularisée n’est pas chose aisée, mais indispensable pour ne pas déserter la mission que tout chrétien a reçu de partager la Bonne Nouvelle. Saint François de Sales peut être, aujourd’hui encore, source d’inspiration pour les professionnels de la communication et des médias, pour transmettre une parole « avec le cœur », comme y invite le pape François dans son message pour la journée de la communication 2023.

Marc Taillebois

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