Procession du 15 août : Avoir le courage et l’espérance au service du bien commun

A l’occasion des vêpres et de la procession mariale traditionnelle qui s’organise à Metz place Saint-Jacques chaque année pour l’Assomption, Mgr Vuillemin, administrateur apostolique a livré un plaidoyer pour le bien commun, qui s’appuie sur la recherche du bien commun et le discernement éthique.

Il est une tradition pour le 15 août qui dépasse la seule communauté chrétienne à Metz. C’est la procession au pied de la statue de Notre-Dame de Metz qui prend depuis la Seconde Guerre mondiale une dimension mémorielle de la résistance au nazisme, avec la dévotion mariale des messins le 15 août 1940. Cela se traduit par la présence des autorités civiles et militaires à cette célébration des vêpres et sa procession place Saint-Jacques.

En cette année 2022, c’est Mgr Jean-Pierre Vuillemin qui assure l’administration du diocèse entre Mgr Lagleize et le futur évêque nommé, Mgr Philippe Ballot, a qui est revenu la charge de présider cette célébration. D’abord à la cathédrale pour le chant des psaumes, la liturgie s’est poursuivie par la procession et la prière mariale, en présence des fidèles mosellans, mais aussi des représentants des aumôneries des différents pays présents aujourd’hui dans le diocèse. Ainsi, lors de la célébration, on a pu voir la délégation d’Ukraine, d’Italie, d’Afrique subsaharienne, de Pologne, du Sud-Est asiatique, du Portugal, ainsi que des représentants de l’aumônerie des jeunes du diocèse de Metz. Chacune a pu présenter ses intentions de prière pour l’Eglise, pour la France et pour le monde.

Comme chaque année, une allocution est prononcée par l’évêque devant la foule, les autorités civiles et militaires. Mgr Vuillemin a souhaité faire mémoire du courage et de l’espérance des ancêtres, pour encourager à suivre leur exemple, en se mettant au service du bien commun.

Voici le texte intégral de son allocution.

Chers Amis,

Chaque année, vous êtes venus nombreux de Metz et de la Moselle, pour vous rassembler au pied de la statue de la Vierge Marie, place Saint-Jacques. Nous sommes réunis malgré la diversité de nos appartenances religieuses ou convictionnelles. À toutes et à tous, j’adresse mes vifs et cordiaux remerciements pour votre présence ; elle rend hommage au courage et à l’espérance de nos ancêtres.

En 1924, conformément au vœu fait par Mgr Wilibrord Benzler durant la Grande Guerre, cette statue de la Vierge Marie fut érigée sous l’épiscopat de Mgr Jean-Baptiste Pelt. Mgr Benzler était animé d’un profond désir que les conflits armés épargnent la ville de Metz et ses habitants. Son désir habitait sa prière confiante et le vœu qu’il avait fait, d’ériger une statue, l’engageait personnellement dans cette prière pour la paix. Ce vœu, il l’a fait au nom de tous les Messins, dans la foi, l’espérance et l’amour du prochain.

Les Messins peuvent aujourd’hui être fiers que cette belle tradition de se rendre chaque année au pied de cette statue se perpétue. Chers amis, par votre présence, vous rendez hommage au désir de paix de nos ancêtres et au courage des Messins qui, durant la Seconde Guerre mondiale, le 15 août 1940, se rendirent ici en procession avec leur évêque, Mgr Joseph Heintz, défiant ainsi l’occupant nazi sans craindre les menaces de représailles. C’était une manière de dire publiquement que la tyrannie de l’occupant, jamais, n’aurait le dernier mot.

Courage et espérance doivent aujourd’hui encore animer nos engagements les plus divers en faveur du bien commun et contre toute forme de tyrannie.  Le croyant doit apprendre, jour après jour, à faire de sa prière un engagement personnel pour l’avènement d’une humanité libérée et réconciliée. Sa prière doit devenir l’expression d’un désir profond du bien, non pas seulement pour lui mais pour l’humanité entière.

Notre prière pour la paix n’est jamais finie. Elle est d’autant plus soutenue qu’en ce moment, bien des pays sont engagés dans des conflits armés qui, tous, ont de graves répercussions sur l’ensemble de l’humanité.  En ces temps difficiles, si l’humanité ne place pas le courage et l’espérance au cœur de ses luttes, alors les tyrannies de toutes sortes continueront d’assombrir notre présent et notre avenir. Ces tyrannies donneront alors raison à ceux qui prédisent l’effondrement global et systémique de notre civilisation. 

Ne nous contentons pas de rendre hommage aux héros du passé mais soutenons les héros d’aujourd’hui qui luttent contre toutes les formes de tyrannies. Ces tyrannies peuvent s’exercer par la violence, par la puissance de la désinformation, par la puissance des lobbys de toutes sortes ou par l’obscurcissement des consciences. Nous constatons, jour après jour, comment certains repères éthiques, pourtant fondamentaux et élémentaires, deviennent subitement suspects par la seule force de persuasion d’une minorité peu éclairée.

Le contexte actuel est marqué par une inquiétante fragmentation de notre société et par les graves menaces qui pèsent sur notre quotidien. Les communautarismes de toutes sortes participent à ce phénomène. Se repose alors l’inévitable question de la recherche du bien « commun », ne serait-ce qu’à travers, par exemple, la crise climatique que nous traversons.

Il y a bien des raisons de rester sidérer et paralysé devant l’ampleur des différentes crises qui obligent à de véritables prises de conscience, tant à l’échelon planétaire qu’à l’échelon plus local : crise écologique, crise politique, crise sanitaire, crise économique, crise sociale …

Il est urgent que nous nous entendions sur la nécessité d’une recherche commune du bien commun.

Le rôle de l’État ne peut plus se borner à assurer le minimum de paix sociale permettant à chacun de poursuivre ses propres désirs à condition de ne pas nuire à son prochain.

Assurer le bien vivre ensemble ne se résume pas à une simple juxtaposition d’individus, de groupes ou de communautés. Assurer le bien vivre ensemble ne résultera pas de l’imposition d’un modèle de société préétabli mais bien d’une démarche de construction commune à laquelle chaque personne ou chaque composante de la société peut contribuer à condition de ne jamais perdre de vue la recherche du bien commun. Comment articuler de manière juste et efficiente « liberté individuelle » et « vie ensemble » ? Telle est la question qui aujourd’hui s’impose à tous.

Cette recherche commune du bien commun, nous le savons, est fortement conditionnée par nos attitudes d’ouverture et de participation aux initiatives locales, quelles qu’elles soient. Elle est également conditionnée par la manière dont nous communiquons les uns avec les autres. À ce sujet, il semble que nous devrions davantage interroger la contribution du numérique au bien commun. Les financeurs, les techniciens et les usagers du numérique doivent rapidement se saisir de certaines questions de déontologie et de responsabilité. Internet peut être comparé à un nouveau monde. Il est une chance pour notre humanité et se révèle être un formidable outil mis à notre disposition. Mais il risque fort, si nous n’y prenons pas garde, de devenir une terre sauvage où le plus fort dictera à tous sa loi. Si nous sous-estimons l’importance de l’éthique du numérique, nous laissons libre court à l’utilisation d’Internet comme véhicule de désinformation, nous laissons s’imposer la faible transparence des algorithmes et nous nous habituons doucement à l’idée d’une surveillance sans limites des citoyens.

Chers amis, reconnaissons que nous sommes contraints d’engager un sérieux et courageux travail de discernement et de décisions éthiques en de très nombreux domaines. 

Si le courage et l’espérance ne nourrissent plus nos engagements quotidiens, s’ils ne nourrissent plus nos recherches collectives, nos prises de position et nos prises de décision, alors les tyrannies du XXIe siècle seront plus dévastatrices que celles du XXe car elles sont dotées d’une force de destruction jamais égalée.

Le courage et l’espérance de nos ancêtres doivent aujourd’hui éclairer les consciences et nous pousser à nous engager, nous aussi, selon nos possibilités, pour faire advenir un monde plus juste et solidaire. Un monde plus respectueux de la personne humaine, du début jusqu’à la fin de la vie. Un monde plus respectueux de la Création tout entière devant laquelle nous souhaitons que l’Homme puisse toujours s’extasier et rendre grâce au Créateur en disant « Laudato Si’ », « Loué sois-tu ! ».

« Marie, patronne de la France, prier pour nous. Vous nous présentez avec grâce et confiance votre Fils Jésus. Que Sa Parole de paix, de justice et d’amour ne cesse d’éclairer nos consciences et que Sa présence à nos côtés dirige notre regard vers la recherche du bien de tous. Amen. »

A l’issue du temps sur la place Saint-Jacques, la procession a fait le chemin de retour jusqu’à la cathédrale Saint-Etienne où se sont achevées les vêpres avec le Salut au Saint-Sacrement.

Après l’office, un concert d’orgue de la saison estivale était proposé à l’orgue restauré du triforium par deux artistes luxembourgeois, autour d’un programme musical et vocal sur la Vierge Marie.

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