CEF : discours d’ouverture de l’Assemblée plénière de printemps à Lourdes


Chers Frères évêques et administrateurs apostoliques et diocésains,

Chers frères et sœurs invités des diocèses de France,

Chers Membres du secrétariat général

Chères directrices et chers directeurs des services nationaux,

 

Nous nous retrouvons donc ce matin à Lourdes pour l’Assemblée plénière de printemps des évêques de France. Nous sommes heureux de pouvoir le faire, même s’il nous faut encore conserver quelque prudence sanitaire, si nous voulons être sûrs de célébrer sans inquiétude la Semaine sainte qui vient.

Nous nous retrouvons dans une atmosphère bien différente de celle du mois de novembre dernier. Nous y avons vécu des heures intenses, nous y avons accompli un pas spirituel historique. L’enfant qui pleure accroché à la façade de notre hémicycle nous a rappelé, s’il en était besoin, alors que nous retrouvions ces lieux, la souffrance des personnes dont des prêtres ont abusé de la confiance et à qui ils ont infligé des traumatismes intérieurs durables. La journée de prière pour les personnes victimes d’agression sexuelle dans l’Église qui a été célébrée en France pour la première fois le troisième dimanche de Carême a permis à beaucoup d’entre nous de mener avec les prêtres et les fidèles de leur diocèse un temps de conversion, de reconnaissance, de demande de pardon à Dieu et aux personnes victimes, de vérité et de justice. Nous ferons le point sur la mise en œuvre des mesures que nous avons prises en novembre.

En ce premier jour et demi, nous voulons conclure trois années de travail consacré aux conversions qu’appelle la crise écologique dans laquelle notre humanité est engagée. En juillet 2019, le conseil permanent nouvellement élu s’était demandé quelle trace notre époque laisserait dans l’histoire. Avec la mise au jour de l’ampleur terrible des abus, la prise de conscience des limites de notre terre et de la dégradation de la « maison commune » du fait de l’enfermement de l’humanité dans un paradigme technico-économique a paru être le fait déterminant. Le Pape François, dans son encyclique Laudato Sí publiée en juillet 2015, avait fait entendre une voix forte et originale qui a ouvert une compréhension spirituelle profonde de cette crise. L’encyclique unit formidablement question écologique et question sociale, elle fait des enjeux écologiques des enjeux de justice et de fraternité entre les humains, elle engage à renouveler les paradigmes qui commandent nos représentations et nos actions. Elle puise dans les sciences contemporaines une vision lucide de la situation et des voies d’avenir, mais elle puise plus encore dans la tradition chrétienne l’audace d’appeler à un sursaut à partir des besoins et des attentes des plus pauvres. Elle fait regarder la terre non pas comme un réservoir de ressources dont les humains tirent ce qu’ils veulent mais comme le signe d’une destinée commune non seulement de l’humanité mais de tous les êtres, où se découvre l’appel de Dieu à l’hospitalité mutuelle et à l’amour pour tous.

Le conseil permanent avait alors imaginé une première assemblée de travail sur les défis de la crise écologique en y introduisant une dose de synodalité, chaque évêque étant appelé à inviter deux personnes à l’accompagner. Nous avons été secoués et émus par les paroles qui nous furent adressées en novembre 2019, et l’assemblée a voté le principe de consacrer un jour et demi de chacune de ses rencontres pendant trois ans à cette thématique immense. Nous avions compris en effet qu’elle touchait notre annonce de la bonne nouvelle du salut. Un des premiers intervenants avait repris pour nous l’appel de Jonas : « Encore trois jours et Ninive sera détruite« , en nous précisant que l’hébreu disait plutôt : « Encore trois jours et Ninive sera bouleversée », bouleversement qui aurait pu se réaliser par la ruine et qui s’est réalisé, selon le livre biblique, par la conversion.

Les confinements successifs nous ont obligé à renoncer à une de nos séquences, à en vivre deux autres en visioconférences, la séquence de novembre : Clameur de la terre, Clameur des pauvres a été une oasis dans notre réception du rapport de la CIASE, nous n’avons pu traiter de l’écologie humaine comme nous l’aurions voulu.

Parvenus au terme de ces trois années, nous allons conclure. Quelques-uns de ceux et de celles qui nous ont apporté leur contribution ou leur témoignage au long des années sont avec nous. Je les remercie en votre nom d’avoir répondu à notre invitation naguère et aujourd’hui. Conclure n’est pas mettre un point final. Au contraire. Nous allons travailler aux engagements que nous pourrions prendre, et nous comptons sur vous, nos invités diocésains, et aussi sur vous qui nous avez enseignés, pour réfléchir avec nous à ce qu’ils pourraient être. Nous partirons d’une reprise de nos assemblées précédentes ; nous recevrons, nous en parlerons cet après-midi, un enseignement de la part d’un théologien protestant, Martin Kopp, et d’un théologien orthodoxe, le P. Sollogoub. Les orthodoxes nous précèdent depuis longtemps sur ces sujets et les Protestants s’engagent eux aussi fortement. C’est une joie : toutes les confessions chrétiennes se laissent interroger par le sort de notre terre et la responsabilité propre de l’humanité. Notre après-midi et notre soirée seront donc fortement œcuméniques, avec, après le dîner, un temps de prière et un temps de rencontre amicale. Demain matin, nous élaborerons ensemble des engagements de divers niveaux, que nous remettrons à Dieu lors de la messe présidée par le nonce avant de sortir proclamer un engagement solennel, nourri par nos travaux communs. Les évêques, s’ils le veulent, concluront leur assemblée vendredi prochain par le vote d’un texte de proclamation de foi en Dieu créateur et sauveur qui sera proposé à leur vote.

Nous entrons dans cette assemblée aussi en communiant aux douloureuses épreuves de la guerre menée en Ukraine. La messe de ce jour sera présidée par Mgr Hlib Lonchyna, administrateur de l’éparchie de France, Belgique et Suisse, de l’Église gréco-catholique ukrainienne. Il la célèbrera dans le rite propre à son Église, nous associant ainsi à la supplication du peuple ukrainien, pour lui-même et pour le peuple russe. Nous tâcherons aussi d’être un moment en visioconférence avec l’archevêque majeur de l’Église gréco-catholique d’Ukraine, sa béatitude Sviatoslav Shevshuk, et nous proposons aussi un jeûne ou du moins un repas allégé jeudi soir.

Bon travail à toutes et à tous et merci de la part que vous y prendrez.

Mgr Éric de Moulins-Beaufort
Archevêque de Reims et président de la CEF

Partager