Strasbourg : Mère Alphonse Marie reconnue bienheureuse

Le dimanche 9 septembre 2018 restera une date historique pour l’Alsace et pour la Congrégation des Sœurs du Très Saint-Sauveur d’Oberbronn. Dorénavant, chaque 9 septembre, Mère Alphonse-Marie sera fêtée comme Bienheureuse.

La cathédrale de Strasbourg était trop petite pour accueillir toutes celles et tous ceux qui souhaitaient vivre ce grand moment de la proclamation comme bienheureuse de l’enfant de Niederbronn, Elisabeth Eppinger, qui prit, en faisant  profession religieuse, le nom de Sœur Alphonse-Marie.

Heureusement, un grand écran installé place du Château a permis à plus de 200 personnes de suivre la célébration.

Tout à commencé par l’arrivée en voiture sur le parvis de la cathédrale du Cardinal Becciu, légat du pape François et préfet de la Congrégation pour la cause des saints. Accueilli par Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg et par le collège des chanoines de la cathédrale, il a rejoint les autres évêques pour une grande procession entre l’horloge astronomique et le grand portail par la place du Château.

Plus de 700 sœurs et les membres de la famille Eppinger ont eu grand moment d’émotion quand fut proclamée officiellement bienheureuse Mère Alphonse-Marie. Son portrait fut dévoilé et une relique fut déposée dans le chœur. Les 1800 personnes présentes purent enfin applaudir et exprimer leur joie.

Le Cardinal Becciu, dans son homélie, mit en avant sa volonté de suivre le Christ sans l’offenser et son investissement sans relâche pour répondre aux besoins des plus pauvres.

« Avec son témoignage de voie extraordinaire, cette femme, courageuse et forte, invite tous les Européens à avoir le cœur ouvert, à montrer un amour efficace et accueillant, capable d’aller à la rencontre de ceux qui sont dans le besoin », insiste le Cardinal Becciu.

Homélie du Cardinal Becciu

Chers frères et chères sœurs,

Aujourd’hui, l’Eglise de Strasbourg est heureuse de voir sa fille, sœur Alphonse Marie Eppinger, inscrite au registre des bienheureux et de la proposer comme modèle de vie évangélique. Nous savons que toute la communauté diocésaine a préparé cette journée en réfléchissant à la vocation universelle à la sainteté et en s’interrogeant sur la question de savoir comment aujourd’hui on peut devenir des saints. L’événement solennel de la béatification est une occasion providentielle de redécouvrir, 150 ans après sa mort, l’actualité du message et l’actualité de la figure de cette femme singulière, qui a su donner un témoignage chrétien vivant et lui conférer une spiritualité profonde.

Lorsqu’elle était encore en vie, la bienheureuse Alphonse Marie a suscité l’admiration de ceux qui l’ont rencontrée, qui ont reconnu en elle les caractéristiques d’une vie sainte et l’héroïsme des vertus chrétiennes.

Deux points ont marqué tout particulièrement sa vie : connaître les désirs de Dieu et suivre ces mêmes désirs en accomplissant sa volonté. Déjà, enfant – quand elle s’appelait encore Élisabeth – voyant un jour en chemin une station du chemin de croix, elle demanda à sa mère :  » Pourquoi ont-ils crucifié Jésus ?  »  » Ma petite, il a été tué à cause de nos péchés« , lui a répondu sa mère.  » Mais qu’est-ce qu’un péché ?  » insistait Élisabeth.  » C’est une offense à Dieu…  » « Alors je ne veux plus l’offenser !  » s’exclama-t-elle. « À partir de ce moment-là, écrira-telle plus tard, chaque jour, grandissait en moi le désir de comprendre ce qu’il faut faire pour aimer Dieu et ne pas l’offenser… Cette pensée m’a bouleversée et m’a poussée à l’obéissance. »

Mais nous ne devons pas penser qu’Élisabeth était une fille entièrement pieuse et docile, elle avait au contraire une forte personnalité, souvent rebelle. Elle-même le raconte : « Pendant l’adolescence, j’ai dû mener une bataille difficile contre mon tempérament irascible … Si quelqu’un me contrariait, je me mettais en colère. Et si mes parents m’ordonnaient de faire un travail alors que je devais sortir, je désobéissais souvent… Alors je priais comme ça : « Jésus, tu connais mon désir. Je veux obéir. Donne-moi ce que mon cœur désire : la grâce de te connaître et de t’aimer  » ».

Commence alors un engagement sérieux et exigeant : Élisabeth apprend lentement à écouter la voix de Dieu. Elle grandit dans l’intimité avec lui, jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de deux faits bouleversants : combien Dieu l’aime et, en même temps, combien de personnes se montrent indifférentes à tant d’amour. Touchée profondément par l’amour de Dieu, elle désirait ardemment que les autres, voire tous, fassent l’expérience de l’amour infini de Dieu. Naît alors dans son cœur, de manière claire et pressante, l’impulsion d’être elle-même instrument de l’amour de Dieu : elle souhaitait, qu’à travers elle, tous puissent expérimenter combien ils sont aimés de Dieu.

L’amour de Dieu, vécu avec une intensité de vie et une joie débordante, ne peut laisser indifférentes les personnes rencontrées. En effet, attirée par son style de vie et inspirée par ses paroles, une petite communauté d’amies se constitue autour d’elle et, avec elle, contemple dans l’Évangile, le cœur miséricordieux de Jésus, son attitude envers les personnes qui souffrent dans leur corps et dans le cœur et, envers les pécheurs. Elle veut façonner son propre cœur et celui de ses amies à la manière du Cœur de Jésus pour être, comme lui, le bon Samaritain. Elle ressent l’appel de Jésus :  » Va et fais de même !  » (Lc 10, 37) comme une invitation de Jésus qui lui était personnellement adressée. Ainsi naquit la famille religieuse des Sœurs du Divin Rédempteur, appelée à vivre le charisme d’Élisabeth, qui s’appelle désormais Alphonse Marie. C’est un charisme centré sur la miséricorde de Dieu. Cette miséricorde qui se traduit dans une pratique : se rendre chez les pauvres pour répondre à leurs besoins spirituels et matériels. Elle veut vivre et faire vivre par ses sœurs la pratique des œuvres de miséricorde.

Sous la direction de Mère Alphonse Marie, nous voyons ses jeunes sœurs faire des gestes simples et concrets qui visent à soulager la souffrance, sans faire aucune distinction de religion ou de classe sociale. Elles deviennent missionnaires de la charité, affrontant courageusement les épidémies : certaines meurent contaminées par les maladies. Elles veillent jour et nuit au chevet des malades, font preuve d’ingéniosité pour sauver des vies, freiner la contagion, assister les mourants, réconforter les familles et les exhorter à ne pas perdre espoir. La guerre de Crimée les amène à soigner les blessés dans les hôpitaux de campagne, à suivre l’armée dans ses déplacements. Le Dr Kuhn, le médecin de Niederbronn, écrit : « Ces jeunes femmes pieuses ne se contentent pas de veiller les malades, leur assurant jour et nuit les soins appropriés, s’exposant aux risques de contagion et surmontant le dégoût, mais elles entrent aussi dans les masures des pauvres, leur apportant le réconfort de la religion. Elles se comportent avec grâce devant la rudesse, elles font régner la propreté là où cette qualité n’était ni connue ni appréciée, et donnent aussi des cours aux enfants dans les villages isolés où il n’y a ni enseignant ni école. »

D’où vient cette passion apostolique que la bienheureuse Alphonse Marie Eppinger a inculquée à ses sœurs ? Elle avait appris le don de soi en contemplant le Christ Rédempteur mourant sur la croix. Son désir ardent était de vivre et agir pour le Christ, de l’imiter dans sa douceur, dans son humilité, dans son amour, cherchant à plaire à Lui seul. Elle aimait répéter :  » Voir Dieu en Dieu, voir Dieu dans son prochain, voir Dieu en tout. » Ces mots sont la synthèse merveilleuse de l’extraordinaire témoignage évangélique de la nouvelle bienheureuse. Ils sont chargés d’actualité. En effet, aujourd’hui, il y a encore un si grand besoin de témoigner l’authentique amour chrétien : non pas comme une idée abstraite, mais concrètement en aidant les autres, et d’abord les faibles et les pauvres qui sont la chair du Christ. Le Saint Père François nous le rappelle. Il aime répéter que « un amour qui ne reconnaît pas que Jésus est venu dans la chair n’est pas l’amour que Dieu nous commande. Reconnaître que Dieu a envoyé son Fils, s’est incarné et a vécu comme nous, signifie aimer comme Jésus a aimé ; aimer comme Jésus nous l’a enseigné ; aimer marcher sur le chemin de Jésus. Et la voie de Jésus est de donner la vie  » (Homélie du 11 novembre 2016 à la maison Sainte-Marthe).

Tout au long de sa vie, la bienheureuse Alphonse Marie Eppinger a témoigné, en paroles et en actes, que Jésus n’est pas venu seulement nous parler de l’amour du Père, mais qu’il a personnellement incarné son immense miséricorde, guérissant ceux qu’il rencontrait sur son chemin. Elle a su reconnaître les plaies de Jésus dans l’humanité pauvre et nécessiteuse et, pour elle, elle s’est faite instrument de l’amour miséricordieux de Dieu. L’expérience de notre bienheureuse, que l’Église reconnaît comme modèle pour suivre Jésus, nous stimule pour aimer les personnes que nous rencontrons tous les jours, devenant pour elles un instrument de l’amour miséricordieux de Dieu.

Nous célébrons ce rite de béatification dans une ville qui, dans un certain sens, est le cœur de l’Europe, car on y trouve des institutions fondamentales pour la vie de l’Union européenne. De là surgit un appel pressant à l’ensemble du continent européen, de plus en plus tenté par l’égoïsme et le repli sur soi. C’est l’appel de la bienheureuse Alphonse Marie : cette femme, courageuse et forte, avec son témoignage de vie chrétienne extraordinaire. Elle invite tous les Européens à avoir le cœur ouvert, à montrer un amour efficace et accueillant, capable d’aller à la rencontrer de ceux qui sont dans le besoin : les faibles, les défaits, les rejetés, les malades, ceux qui fuient des situations de guerre, de violence, de persécution. Louons cette femme amoureuse de Dieu et infatigable dispensatrice de sa miséricorde à l’humanité souffrante. Honorons-en elle une fidèle disciple de l’Évangile et une messagère intrépide de l’amour divin. Accueillons son message et suivons son exemple pour être des témoins crédibles du Christ, notre paix et notre espérance.

Disons ensemble : « Bienheureuse Alphonse Marie, prie pour nous ! »

Il est important, en effet, que ceux qui découvrent le travail généreux des Filles qui reconnaissent en Mère Alphonse Marie leur fondatrice, présentes à travers le monde, en particulier ce travail auprès des pauvres, des personnes âgées, des malades et des personnes handicapées, puissent comprendre la racine d’un tel dynamisme apostolique qui perdure.

Source : Archidiocèse de Strasbourg

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