« Spiritus Domini » : pour une ministérialité au service d’une Église synodale

Suite à la promulgation du motu proprio du pape François, Spiritus Domini, l’abbé Emmanuel Ecker nous situe cette décision de conférer des ministères institués aux femmes comme une chance pour la construction d’une Église synodale, fondée sur le déploiement de tous les charismes, en apportant un éclairage sur le lien de ceux-ci à la grâce baptismale.

« Le chemin de la synodalité est le chemin que Dieu attend de l’Église du IIIe millénaire » [1]. Ces mots du pape François nous permettent d’envisager sous un certain prisme sa décision, exposée dans le motu proprio Spiritus Domini, de permettre aux femmes d’accéder aux ministères institués du lectorat et de l’acolytat [2]. Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’ecclésiologie du Peuple de Dieu développée dans Lumen gentium, porteuse d’une conception renouvelée de la ministérialité, fondée sur l’articulation du sacerdoce baptismal et du sacerdoce ministériel (cf. Lumen gentium 10) au sein d’une Église synodale, où la coresponsabilité différenciée et diversifiée favorise toujours mieux l’édification du Corps du Christ.

Tous les membres de l’Église, par leur baptême, reçoivent des dons (ou charismes) qui permettent à chacun, selon sa vocation propre, de contribuer à édifier le corps ecclésial par l’annonce de l’Évangile, la glorification de Dieu et la sanctification des hommes, ainsi que par l’exercice de la charité fraternelle. En ce sens, il apparaît – comme le montrent les épîtres de saint Paul – que l’Église a une structure charismatique [3] et que l’Esprit Saint « la bâtit et la dirige grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques » (Lumen gentium 4). La diversité des dons, que l’apôtre des nations suggère (cf. 1 Co 12, 28-31), nous permet de définir le charisme comme « tout don de l’Esprit, à quelque catégorie qu’il appartienne, toute vocation » [4] ; cette diversité – qui permet leur complémentarité – favorise la croissance ecclésiale. Dès lors, le ministère ordonné peut être compris comme un charisme particulier, puisque la vocation de certains baptisés est d’être consacrés au service du Peuple de Dieu. Mais il existe aussi d’autres charismes que l’Église a institués comme des ministères (des services [5]) : le lectorat et l’acolytat.

Contrairement aux ministères ordonnés, les ministères institués ne peuvent se prévaloir d’une institution divine ; dans leur cas, leur institution est d’origine ecclésiale. Ministères ordonnés et ministères institués diffèrent donc en essence, leur fondement et leur finalité ne sont pas les mêmes. Les ministères institués ont pour fondement la condition commune du baptisé et du sacerdoce royal reçu dans le sacrement du baptême, et leur finalité est de servir le peuple chrétien dans un domaine spécifique ; ils constituent ainsi des ministères laïcs qui peuvent être conférés à tout fidèle indépendamment de son sexe. Cette distinction explique que l’Église « n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes » [6], alors qu’elle s’autorise désormais le pouvoir de leur conférer le lectorat et l’acolytat. La décision du Pape a un double effet : d’abord, elle entérine une situation de fait dans toutes nos paroisses, où l’engagement des femmes est massif, voire même salutaire ; ensuite, elle permet de réaffirmer le caractère laïc – ou baptismal – de ces ministères institués. Jusque-là, ils restaient – en Europe – presqu’exclusivement connectés au parcours des séminaristes qui se préparent à recevoir l’ordre, comme un reliquat du cursus honorum que représentait la hiérarchie des ordres mineurs pour atteindre les ordres majeurs, donc réservés aux hommes.

Spiritus Domini est une chance pour la pluriministérialité dans l’Église du IIIe millénaire, où la diversité et la complémentarité des charismes – ministériels ou non – permettront une véritable synodalité, pas seulement avec de belles paroles, mais grâce à l’engagement de tous.

Abbé Emmanuel Ecker +


[1] François, Discours à l’occasion de la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du synode des évêques, 17 octobre 2015.
[2] Cf. S. Paul VI, Motu Proprio Ministeria quᴂdam, 15 août 1972 ; CIC/1983, can. 230 § 1.
[3] Cf. H. Küng, La structure charismatique de l’Église, in Concilium 1 (1965) 4, pp. 43-59.
[4] Ibid., p. 53.
[5] Cf. Gaffiot, Dictionnaire latin-français abrégé, Hachette 1934 & 1989, 355.
[6] S. Jean-Paul II, Lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis 4, 22 mai 1994.

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